connexion au site

LETTRE TRIMESTRIELLE N°00

AUTOMNE 2023

La lettre trimestrielle permet à l’association d’approfondir auprès de ses membres certains thèmes/termes abordés sur le site et insuffisamment développés

DANS CE NUMÉRO:

1

VOUS AVEZ DIT

CHRISME ?

Face avant du maitre-autel de la collégiale Saint-Just

Avec l’aimable autorisation de madame Simone Wyss, de l’association culturelle des sanctuaires de Saint-Irénée et Saint-Just – L’article qui suit est extrait de la brochure “Le cloître de Saint-Just à travers les âges”, nouvelle édition actualisée

La façade du maitre-autel de la collégiale Saint-Just comporte un “Chrisme” en son centre. Le chrisme ou « monogramme du Christ » est un symbole chrétien formé par les deux majuscules grecques X (chi) et P (rhô), la première étant apposée sur la seconde. Ces deux lettres sont les premières du mot Χριστός qui signifie Christ. Elles sont souvent accompagnées de la première et de la dernière lettre de l’alphabet grec α (alpha) et ω (oméga). Celles-ci encadrent l’alphabet, symbolisant ainsi le tout, le commencement et la fin. Si ces lettres sont ajoutées ensemble, elles forment le mot ἄρχω, qui signifie « diriger, aller en tête, commander », et renvoient à Jésus-Christ, « fondateur et premier chef de l’Église chrétienne naissante ».

Le signe du Chrisme est généralement inscrit dans un cercle, image d’unité et de perfection divine. Il est le symbole de la religion chrétienne mais aussi un symbole de protection. Le chrisme est souvent représenté par une étoile à six branches et fait référence à l’Étoile qui guida les Rois Mages vers l’Enfant Jésus. On retrouve souvent le Chrisme sur les murs des bâtiments religieux chrétiens comme les églises, les chapelles, les basiliques, certains édifices mortuaires, etc. Ce symbole figure également sur de nombreuses mosaïques, des objets variés et des bijoux.

Le sac de Lyon par les calvinistes en 1562

Musée Gadagne – Lyon – (Anonyme du XVI siècle; le paysage urbain est imaginaire)

Histoire de ce Christogramme

L’empereur romain Constantin Ier est considéré comme le premier empereur Chrétien. La légende raconte qu’en 312, durant la bataille du Pont Milvius qui l’opposait à Maxence, Constantin Ier aurait vu le Chrisme apparaître en rêve, accompagné de ce message « par ce signe tu vaincras » (« In hoc signo vinces » en latin). C’est avec ce signe en étendard qu’il remporta la bataille. Le Chrisme devint ainsi le symbole du christianisme et fut ensuite utilisé comme emblème par les empereurs romains qui succédèrent à Constantin.

Pourtant, cette légende reste contestée et l’empereur Constantin ne se serait converti avec certitude qu’une fois sur son lit de mort. Il semblerait que le Chrisme ait existé bien avant mais qu’il fut adopté par l’empereur à une époque où le christianisme était encore minoritaire. La victoire de Constantin aurait alors permis de montrer sa faveur envers le christianisme et d’imposer la suprématie de la religion chrétienne.

Illustration extraite d’un dessin au lavis illustrant un manuscrit contemporain des faits.

 Les deux personnages sont des soldats des troupes protestantes du baron des Adrets brisant les cloches de l’ancienne collégiale Saint-Just dont il ne reste derrière eux qu’un pan de mur. (source: Bibliothèque Municipale de Lyon, Ms 156)

Chez les grecques païens, le Chrisme (« chrêstos »), signifiait simplement « utile, de bon augure ».  Il faisait alors référence à un souhait ou à un commentaire approbateur.

Lire plus

Collégiale Saint-Just: mémoire et patrimoine / Lettre trimestrielle 00 / automne 2023

2

DELAMONCE:

PÈRE ET FILS

Extrait du plan Séraucourt – (source: Bibliothèque Nationale de France)

La façade de la collégiale Saint-Just a été dessinée en 1704 par l’architecte lyonnais Jean Delamonce. Sa construction, en pierre calcaire de Villebois, à la différence des autres parties de l’édifice en pierres dorées, a été conduite par son fils Ferdinand et s’est achevée en 1711.

La fiche consacrée au père dans le tome deux du Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs (Bénézit) – page 57 – est rédigée ainsi: DELAMONCE (Jean), architecte et peintre, né à Paris en 1635, mort à Lyon le 14  avril 1708. On le trouve à Lyon en 1662; en 1663 il peint, à Chambéry, le plafond de l’alcôve préparée pour le mariage de Charles-Emmanuel II, duc de Savoie, avec Madeleine-Françoise de Valois; en 1666, il dirige, à Annecy, des travaux de décoration dans l’église de la Visitation, à l’occasion de  la béatification de saint François de Sales. Six ans plus tard, il est à Munich, où, de de 1672 à 1684, il remplit l’office de peintre et architecte de l’Électeur de Bavière, exécuta, au Palais Royal, des peintures aujourd’hui détruites et se maria en 1675. Il est de retour à Lyon en 1690; en 1698 les peintres de la ville le nomment maître de métier pour leur corporation. Quelques-uns de ses dessins ou de ses tableaux sont connus par les gravures qui en ont été faites, par lui-même ou ses contemporains: un dessin gravé par Audran dans “Descriptions des cérémonies de la béatification de saint François de Sales” (1665- trois planches et un portrait (dessin et gravure) dans “Le nouvel astre du ciel”, appareil dressé (à la Visitation d’Annecy) pour la canonisation de saint François de Sales (1666); “Portrait d’Henriette-Marie-Adélaïde, femme de Ferdinand, électeur de Bavière”, gravé par d’Ambling; “Thèse de mathématique” de J.-B. Thioly et P. Taillandier (1693), gravée par B. Audran;  “Planche pour l’histoire consulaire de la ville de Lyon” par le P. Ménestrier (1696); “Portrait de Jean d’Aranthon d’Alex, évêque de Genève (gravé par Bouchet). Nagler lui attribue “Religieuse sur un nuage” et “Évêque disant la messe” (gravés par d’Ambling).”

C’est à Munich que naquit Ferdinand en 1678. Il suivit sa famille à Lyon en 1684, collabora avec son père, si bien que la distinction entre leurs oeuvres demeura longtemps incertaine, puis alla à Paris, dessina des vues des Invalides et de Versailles qui furent gravées. Puis il fit un long séjour en Italie, de 1715 à 1728, date à laquelle il rentra en France par Aix, Avignon (église de l’Oratoire), Grenoble, avant de s’établir à Lyon en 1731.

Ses principaux travaux dans cette ville, dont il fut l’architecte le plus en vue jusqu’à l’arrivée de Soufflot, sont des remaniements à la chapelle des Jésuites (1734), l’achèvement de l’église des Chartreux (1734-40) dont Soufflot réalisa la décoration, la construction des quais du Rhône (1736-38), la maison Tolozan (1740) et les lambris rocaille de l’ancienne chapelle de Fourvière. Dessinateur abondant, il a fait graver beaucoup de ses compositions par Dandet. Il mourut en 1753.

Reçu à l’Académie de Lyon en 1736, il a lu devant ses confrères de nombreux Discours (environ un par an, soit environ 21): Marie-Félicie Pérez en a rétabli la chronologie d’après le Journal des séances et a publié l’un d’eux, les Remarques sur le livre du marquis d’Argens (1753) qui contient des « parallèles» sur les peintres. Bernadette de Villaine a dressé une table de concordance entre les différents catalogues. Les manuscrits, en partie inédits, sont conservés à la bibliothèque de l’Académie de Lyon, à l’exception de deux qui sont perdus. Ils appartiennent à trois catégories: les relations de voyages, les descriptions de monuments et les réflexions sur la théorie des arts. Le Voyage de Naple (rédigé en 1719 et lu en 1740) appartient au premier groupe.

Le sac de Lyon par les calvinistes en 1562

Musée Gadagne – Lyon – (Anonyme du XVI siècle; le paysage urbain est imaginaire)

Collégiale Saint-Just: mémoire et patrimoine / Lettre trimestrielle 00 / automne 2023

3

VOUS AVEZ DIT

TÉTRAMORPHE ?

Face avant du maitre-autel de la collégiale Saint-Just

Avec l’aimable autorisation de madame Simone Wyss, de l’association culturelle des sanctuaires de Saint-Irénée et Saint-Just – L’article qui suit est extrait de la brochure “Le cloître de Saint-Just à travers les âges”, nouvelle édition actualisée

La façade du maitre-autel de la collégiale Saint-Just comporte un “Chrisme” en son centre. Le chrisme ou « monogramme du Christ » est un symbole chrétien formé par les deux majuscules grecques X (chi) et P (rhô), la première étant apposée sur la seconde. Ces deux lettres sont les premières du mot Χριστός qui signifie Christ. Elles sont souvent accompagnées de la première et de la dernière lettre de l’alphabet grec α (alpha) et ω (oméga). Celles-ci encadrent l’alphabet, symbolisant ainsi le tout, le commencement et la fin. Si ces lettres sont ajoutées ensemble, elles forment le mot ἄρχω, qui signifie « diriger, aller en tête, commander », et renvoient à Jésus-Christ, « fondateur et premier chef de l’Église chrétienne naissante ».

Le signe du Chrisme est généralement inscrit dans un cercle, image d’unité et de perfection divine. Il est le symbole de la religion chrétienne mais aussi un symbole de protection. Le chrisme est souvent représenté par une étoile à six branches et fait référence à l’Étoile qui guida les Rois Mages vers l’Enfant Jésus. On retrouve souvent le Chrisme sur les murs des bâtiments religieux chrétiens comme les églises, les chapelles, les basiliques, certains édifices mortuaires, etc. Ce symbole figure également sur de nombreuses mosaïques, des objets variés et des bijoux.

Le sac de Lyon par les calvinistes en 1562

Musée Gadagne – Lyon – (Anonyme du XVI siècle; le paysage urbain est imaginaire)

Histoire de ce Christogramme

L’empereur romain Constantin Ier est considéré comme le premier empereur Chrétien. La légende raconte qu’en 312, durant la bataille du Pont Milvius qui l’opposait à Maxence, Constantin Ier aurait vu le Chrisme apparaître en rêve, accompagné de ce message « par ce signe tu vaincras » (« In hoc signo vinces » en latin). C’est avec ce signe en étendard qu’il remporta la bataille. Le Chrisme devint ainsi le symbole du christianisme et fut ensuite utilisé comme emblème par les empereurs romains qui succédèrent à Constantin.

Pourtant, cette légende reste contestée et l’empereur Constantin ne se serait converti avec certitude qu’une fois sur son lit de mort. Il semblerait que le Chrisme ait existé bien avant mais qu’il fut adopté par l’empereur à une époque où le christianisme était encore minoritaire. La victoire de Constantin aurait alors permis de montrer sa faveur envers le christianisme et d’imposer la suprématie de la religion chrétienne.

Illustration extraite d’un dessin au lavis illustrant un manuscrit contemporain des faits.

 Les deux personnages sont des soldats des troupes protestantes du baron des Adrets brisant les cloches de l’ancienne collégiale Saint-Just dont il ne reste derrière eux qu’un pan de mur. (source: Bibliothèque Municipale de Lyon, Ms 156)

Chez les grecques païens, le Chrisme (« chrêstos »), signifiait simplement « utile, de bon augure ».  Il faisait alors référence à un souhait ou à un commentaire approbateur.

4

1562:

LYON CAPITALE PROTESTANTE ?

Protestants détruisant le portail de la cathédrale Saint Jean de Lyon et pillant ses trésors – (source: Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 156)

Avec l’aimable autorisation de madame Simone Wyss, de l’association culturelle des sanctuaires de Saint-Irénée et Saint-Just – L’article qui suit est extrait de la brochure “Le cloître de Saint-Just à travers les âges”, nouvelle édition actualisée

“De mai 1562, qui vit le début des destructions, à fin septembre de la même année, où la collégiale fut sapée, les faubourgs de Saint-Just et de Saint-Irénée – et tout spécialement le cloitre de Saint-Just – eurent beaucoup à souffrir de la domination protestante sur la ville de Lyon. Comment en était-on arrivé là et pourquoi toutes ces destructions? Disons tout de suite qu’en ces temps d’opposition entre la religion catholique et sa version réformée, la situation n’était guère différente à Lyon de ce qu’elle était dans d’autres villes de France, mais les tensions y étaient sans doute plus vives. La Réforme d’ailleurs y était ancienne : “Lyon, qui par sa situation et son industrie, était un lieu de refuge ou d’établissement pour beaucoup d’étrangers, ressentie plus vite que les autres villes de France, l’influence de la Réforme. On y comptait des réformés dès 1524” (A. Steyers, op. cit., p. 74). La proximité de Genève, le nombre des imprimeurs, leur perméabilité aux idées nouvelles, la passivité du Consulat (alors composé de douze échevins) et des autorités ecclésiastiques, se conjuguent pour expliquer l’essor du protestantisme à Lyon. L’Église réformée y fut fondée en 1546.

Dès lors les tensions vont s’accroître: des exécutions se produisent: le 31 octobre 1551 le pasteur Monier est brûlé sur la place des Terreaux, en 1553 cinq jeunes théologiens de Lausanne subissent le même sort. En 1560 les protestants firent une première tentative pour s’emparer de la ville sous le commandement d’un officier de la maison de Condé, Edme de la Ferrière, sire de Maligny. Elle échoua et Maligny s’en alla mourir à Genève.

Les passions s’exacerbèrent alors le 5 juin 1561, jour de la Fête-Dieu, “la procession de Saint-Nizier fut attaquée par un exalté qui voulu s’emparer du Saint-Sacrement; on lui coupa le poing et on le pendit devant l’église” (ibid, p. 74). La foule s’en prit aux huguenots, et quelques jours plus tard massacra Barthélemy Aneau, principal du collège de la Trinité (actuel lycée Ampère), suspect d’hérésie. En octobre 1561, François d’Agoult, comte de Sault, secrètement (puis plus tard, ouvertement) favorable aux réformés, fut nommé lieutenant-gouverneur de Lyon en l’absence de son gouverneur en titre, le maréchal de Saint-André, un des chefs du parti catholique: il ne fera rien pour empêcher la prise de la ville par les protestants qui, cette fois, réussira. La conjoncture nationale leur fut d’ailleurs également favorable: en effet, faute d’un rapprochement entre les deux communautés, la régente Catherine de Médicis (Charles IX n’avait que onze ans) accorda aux calvinistes la pratique publique de leur culte en dehors des villes closes et le droit de réunion privés dans ces villes. L’édit est daté de janvier 1562, mais dès décembre 1561 les réformés cherchèrent un point de chute dans les faubourgs de Lyon. Ils firent dans doutes des travaux d’approche du côté de Saint-Just, puisque le 22 décembre 1561 les chanoines de Saint-Just firent une députation au comte de Sault pour empêcher un prêche dans la baronnie. Les calvinistes l’installèrent finalement à la Guillotière, et “profitèrent des allées et venues que nécessitait l’exercice de leur culte pour introduire à Lyon des armes et des soldats des provinces voisines” (ibid., p. 75).

Le sac de Lyon par les calvinistes en 1562

Musée Gadagne – Lyon – (Anonyme du XVI siècle; le paysage urbain est imaginaire)

Fin avril 1562 “la nouvelle de la prise de Valence par le baron des Adrets (chef de l’infanterie du Prince de Condé), le bruit d’un massacre général des protestants de préparait, enfin les instructions formelles du prince de Condé les décidèrent à agir sans retard. Dans la nuit du 29 au 30 avril (d’autres auteurs, dont le contemporain des faits Claude Rubys, parlent de celle du 30 avril au 1er mai), ils s’emparèrent des principaux carrefours et de l’hôtel de ville (depuis 1559 à la Grenette, à l’emplacement de l’actuel Monoprix), qu’ils arquebusèrent du clocher de Saint-Nizier” (ibid. p. 76). Leur cloître menacé, les chanoines de Saint-Jean s’enfuirent; le château de Pierre-Scize, ancienne résidence des archevêques et prison d’état depuis 1468, capitula le 7 mai. Ce même jour, les chefs protestants imposèrent la création de douze nouveau échevins, tous réformés, qui constituèrent désormais avec leurs coreligionnaires de l’ancien Consulat la majorité de l’assemblée municipale.

Mais dès le 4 mai était arrivé François de Beaumont, baron des Adrets, soit de sa propre initiative, soit suite à un accord passé antérieurement avec les protestants: le jour suivant, il prit le commandement militaire de la ville de Lyon avec l’aval du prince de Condé.

Illustration extraite d’un dessin au lavis illustrant un manuscrit contemporain des faits.

 Les deux personnages sont des soldats des troupes protestantes du baron des Adrets brisant les cloches de l’ancienne collégiale Saint-Just dont il ne reste derrière eux qu’un pan de mur. (source: Bibliothèque Municipale de Lyon, Ms 156)

Cependant, les troupes huguenotes n’avaient pas attendu son arrivé pour entrer dans Saint-Just: deux jours après la prise de Lyon, soit le 2 (ou 3) mai, Jean de la Porte, seigneur de Charveirieu, qui commandait une compagnie de deux cent hommes, se fit ouvrir la porte de Saint-Just et pris la porte de Saint-Irénée. Des renforts arrivèrent, formés de soldats provençaux et genevois sous les ordres des capitanes d’Estrange et Odefroy, et tout ce monde se logea “es maisons des chanoines”, qui s’enfuirent (sauf trois ou quatre, dira plus tard Nicolas de Langes), et “dès lors commencèrent lesdits capitaines à faire leurs munitions de vin, de blé et autres denrées qu’ils trouvaient es maisons des gens d’Église et autres qu’ils appelaient ‘papistes’…, en prenaient là où ils en trouvaient et payaient à discrétion, de ce qui valait un sol, un liard, et enfin prenaient tout pas force et contrainte, et vendaient les meubles des pauvres gens, et de fait quand lesdits soldats arrivèrent, ils étaient tout nus et mal vêtus, et incontinent ils furent braves et pompeux…” (P.V. de 1563).

Mais les pillages ne se limitèrent pas au vin et au blé des chanoines et aux meubles des pauvres gens: les soldats, une fois entrés, “commencèrent à ruiner , abattre et mettre en pièces toutes les images, châsses, autels de l’église de Saint-Just et les livres et habillements de l’Église, qu’ils portaient en dérision par les rues… ils ruinèrent et mirent les images de pierre en dérision et moquerie par les rues, emportaient des ornements d’église, livres, papiers, desquels ils en mettaient en pièces” (ibid.). Nous verrons cependant au chapitre suivant que grâce à des hommes courageux la plupart des reliquaires, objets précieux et archives de l’église purent être sauvés.

Les mêmes scènes se passaient à Saint-Irénée, Saint-Jean, Saint-Nizier et ailleurs; il y eu tant de pillages à Lyon dans la première quinzaine de mai que Calvin lui-même s’en émut: il écrivit de Genève une lettre “à ses frères de Lyon” pour les exhorter à “empêcher toutes ces voleries et pillages”.

Image extraite de “Le Lyon de nos pères” par Em. Vingtrinier ; illustré de 20 eaux-fortes et de 300 dessins à la plume et au crayon par J. Drevet

Les autorités protestantes avaient cependant fait procéder dès les 8 et 9 mai à un inventaire “des munitions, reliques et biens meubles trouvés tant en l’église Saint-Just que au cloître et maisons d’icelui” par un “bourgeois et citoyen de Lyon” acquis à leur cause, “honorable homme Antoine Pupier”. Cet Antoine Pupier était un proche parent  de l’obéancier d’alors, François Pupier, et de l’obéancier précédent, dont il portait le nom. Passant d’ailleurs en revue les provisions et meubles des douze maisons canoniales (dont la plupart des occupants avaient fui), il déclare qu’il se fait fort de démontrer que ceux trouvés dans la maison de l’obéancier lui appartiennent, et i en obtient la garde: peut-être est-ce grâce à ce lien de parenté que, comme nous le verrons par la suite, la maison de l’obéancier fut moins endommagée que ses voisines?

Non seulement les pillages ne cessèrent pas pour autant, mais dès le 23 mai on passa à la vitesse supérieure et ce sont les démolitions qui commencèrent. Il ne s’agissait plus là uniquement de cupidité, de fanatisme religieux ou du désir de se venger d’un chapitre qui avait refusé l’établissement d’un prêche, il y avait également un réel souci stratégique de la part des autorités protestantes. En effet, l’idée de remplacer l’église et le cloître de Saint-Just par une citadelle qui commanderait le cours du Rhône et la plaine du Dauphiné était dans l’air depuis plusieurs années déjà. La menace était telle que, quand en 1555 les Pères Minimes sollicitèrent des chanoines l’autorisation de poursuivre les constructions entreprises sur les terres de la baronnie, le chapitre les autorisa à le faire à la condition que l’église et le couvent deviendraient propriété des chanoines (moyennant dédommagements) au cas où “il adviendrait par ci-après que l’on démolît l’église et le cloître à causes des fortifications”.

Il s’agissait alors de se défendre d’un ennemi extérieur, mais en 1562 il s’agit surtout d’empêcher la reconquête de la ville par les forces catholiques: “le roi Charles IX n’ayant point voulu reconnaitre pour légitime la conquête de Lyon par les protestants, la ville se trouvait en état de rébellion ouverte. Aussi devait-elle assurer sa défense” (A. Steyert, op.cit., p.78). Pour cela on double la Retraite d’une ligne de boulevards et on envisage la construction de cette fameuse forteresse prévue de longue date et qui ne s’était jamais faite. Elle ne se fera pas non plus en 1562 faute de temps et d’argent, mais entre-temps on avait démoli les murailles du cloître, enrôlant de force pour ce faire les habitants du faubourg et des villages voisins.Les maisons proches de la clôture et bien d’autres – dans la clôture ou en dehors – firent les frais de ces destructions systématiques. Simultanément, le dépouillement de l’église continuait: on procéda au déménagement puis à la vente, du mobilier, des bois, des ferrures, des marbres; la “bachasses” disparurent; vers la Saint-Jean (24 juin) on descendit les cloches: la plus grosse – celle qui avait été donnée par Innocent IV – fut transférée à Saint-Nizier pour servir de tocsin. Aussi bien ne reste-t-il plus de l’ancienne église Saint-Just que deux chapiteaux de marbre utilisés dans les année 1850 pour l’ornementation de la chapelle de la Vierge à Ainay (D. Meynis, op. cit., page 158); s’il faut en croire J.F. Artaud (op.cit., page 39), les marbres précieux (de cette église) ont servi à décorer celle du Grand Collège”.

Le prince de Condé lui-même s’alarma des violences contre les personnes et les biens commises par les troupes du baron: en juillet il envoya à Lyon Jean de Parthenay-L’archevêque, seigneur de Soubise, pour le remplacer dans le gouvernement militaire de la ville; des Adrets reparti dans le Dauphiné. Mais à Saint-Just les destructions prévues continuèrent: “Environ la Saint-Michel (29 septembre) fut l’église Saint-Just découverte, les ferrures, bois et plusieurs pierres et autres marrins enlevés transportés et vendus par Biterna et Duerne (qui l’on disait avaiente charge de démolir l’église Saint-Just), et plusieurs personnes, entre-autres choses, vendaient du bois du clocher et autres couverts de la-dite église… Et après icelle église fut sapée par le feu et mise toute en ruine, comme avaient été les maisons des chanoines et autres gens d’Église, et les bois, et les portes et fenêtres aussi dissipés; auquel même temps ou bien peu après furent les maisons des pauvres habitants, depuis la porte des Farges jusques à la porte de Trion , pour la plupart ruinées…” (P.V. de 1563).

Racontons brièvement la suite des évènements: en décembre 1562, le gouverneur en titre de la ville, le maréchal de Saint-André, décède; il est remplacé par Jacques de Savoie, duc de Nemours. Celui-ci, fort d’une armée de huit mille hommes, essaya de reprendre la ville à partir de Saint-Genis-Laval, dont il fit son quartier général; il y “séjourna bien trois mois sans en bouger”, dit l’historien Claude de Rubys, non sans faire d’ailleurs chaque jour, des sorties jusqu’aux portes de Lyon pour en ramener prisonniers et butin. Mais il y eu aussi des batailles rangées (et même une défaite infligées aux troupes de Nemours le 5 mars 1563). Finalement le duc de Nemours négocia habilement avec le baron des Adrets, rappelé par Soubise: cette trahison ne pouvait qu’entrainer la capitulation de Lyon au moment même où était publié l’édit de Pacification (oui paix d’Amboise) du 19 mars 1563. Le 9 juin, le Consulat adhéra à cet édit; le 15 du même mois arrivait à Lyon le maréchal de Vieilleville commis par le roi pour veiller à son exécution.

Le 18 juillet il fait célébrer à Saint-Jean la première messe depuis quatorze mois (puisque le culte catholique était interdit et l’assistance aux prêches obligatoire); les chanoines-comtes regagnent leur cloître (percé de la rue de la Brèche).

Le 29 août, c’est dans toutes les églises de la ville – où les catholiques fugitifs étaient rentrés – que le culte reprend. Les réformés conservent trois temples: aux Cordeliers, à Confort et à la Chana. À la Saint-Thomas de la même année (21 décembre), date où se faisaient les élections des échevins, le maréchal de Vieilleville fit en sorte que le nombre fut de six catholiques et six des protestants” (Ruby, op.cit., p.401). Les foires, qui avaient été supprimées, furent rétablies. Un an plus tard, le 13 juin 1564, le roi Charles IX et la reine-mère Catherine de Médicis vinrent visiter la ville pacifiée: leur entrée “se ressentit de la pauvreté et misère du temps (la peste faisait à nouveau rage) et ne fur ni somptueuse en habits, ni ingénieuse en apparat de théâtres et perspectives. Les enfants de la ville y marchèrent mêlés deux à deux, d’un catholique et d’un protestant…”, dit Claude de Ruby (ibid., p. 402), qui y assista. Le mois suivant, les principaux acteurs de ces années troublées quittèrent la ville: le sieur de Soubise, le comte de Sault, puis le maréchal de Vieilleville. Quant au fameux baron, il l’avait quittée dès mars 1563 pour se retirer dans son château de la Frette, près de la Côte-Saint-André, abandonnant du même coup le parti protestant. Il sortit de sa retraite en 1567 pour combattre ses anciens coreligionnaires; après de nouvelles péripéties qui faillirent lui couter la vie, il se retira à nouveau à la Frette, où il mourut discrètement en 1587.