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Collégiale Saint-Just – Mémoire et Patrimoine

figures de la collégiale I Le pape Innocent IV et le concile de Lyon de 1245

LE PAPE INNOCENT IV ET LE CONCILE DE LYON DE 1245

Article  de Philippe POUZET, professeur honoraire d’histoire au Lycée Ampère de Lyon In Revue d’histoire de l’Église de France – 1929 –

Lyon I (1245), convoqué par le pape Innocent IV. En cinq sessions, du 28 juin au 17 juillet 1245, les Pères votèrent vingt-deux chapitres et déposèrent l’empereur Frédéric II.

Concile de Lyon et excommunication de Frédéric II - Manuscrit français
Copie de la rose d'or offerte à la collégiale Saint-Just par le pape Innocent IV en remerciement de l'accueil qu'il reçu lors du concile de 1245

TROISIÈME  PARTIE

IV – Les incidents de Lyon pendant le séjour d’Innocent IV 

V – Rapports du pape avec les archevêques de Lyon Aimery et Philippe de Savoie ; avec le chapitre de la cathédrale et les divers établissements religieux ; avec la bourgeoisie et le peuple lyonnais. Concessions d’indulgences et de privilèges de tout ordre

VI  – Le départ d’Innocent IV (19 avril 1251) ; ses adieux à la population lyonnaise ; son retour en Italie

LES INCIDENTS DE LYON PENDANT LE SÉJOUR D’INNOCENT IV

Même après le départ du concile, une animation inusitée avait continué à régner à Lyon : « De tous les points du monde, dit le biographe pontifical, y affluaient, comme vers une seconde Rome », tous ceux qui avaient des affaires à traiter avec la curie. Il faut joindre à ces gens ceux à qui le pape avait confié des missions dans les pays les plus divers et qui revenaient lui rendre compte de leur voyage. Parmi ces délégués citons au moins le célèbre moine du Plan Carpin, qu’Innocent IV avait envoyé auprès du Grand-Khan des Mongols, au fond des steppes de l’Asie centrale, et dont le curieux rapport, rédigé en latin, nous a été conservé. Enfin, beaucoup de visiteurs de passage s’arrêtaient à Lyon quelque temps, comme le Franciscain Fra Salimbene, qui vint dans notre ville trois ans de suite, pendant que le pape y séjournait, et nous conte dans sa chronique si vivante, ses entretiens avec Innocent IV : il l’avait connu à Parme, sa ville natale, lorsque le futur pontife n’était encore que chanoine, et sa famille avait gardé avec lui d’amicales relations. Dans l’hôte aimable et courtois, à l’abord facile, aux propos libres et familiers, que nous décrit ce religieux, on a peine à reconnaître Je juge inflexible de Frédéric IL C’est un autre côté de son caractère, par où achève de se peindre la physionomie du grand pontife18. Lyon reçut encore à cette époque plus d’un personnage illustre et vit passer à diverses reprises de brillants cortèges. Par exemple, au mois de juillet 1248, celui du roi de France Louis IX, venu, comme soixante ans auparavant son aïeul Philippe- Auguste, à la tête d’une imposante armée, accompagné de ses trois frères, les comtes d’Artois, de Poitiers et d’Anjou, ainsi que de nombreux seigneurs français qui avaient pris la croix avec lui. Il est impossible que les Lyonnais n’aient pas été frappés à la vue du pieux roi dont Fra Salimbene nous a tracé, en quelques mots seulement, mais expressifs, ce portrait : « Grand et mince, sans maigreur excessive, un air gracieux dans un visage angélique. » II vante aussi la simplicité de ses allures”, bien qu’il fût le plus puissant des souverains d’Occident. Plus tard, ce fut le frère du roi Henri III, Richard de Cornouailles, un futur empereur, accompagné du comte de Gloeester, l’un des plus grands seigneurs d’Angleterre ; puis, à la veille même du départ du pape, son protégé le comte Guillaume de Hollande, roi des Romains, c’est-à-dire empereur élu mais non couronné. A ces derniers visiteurs, le pape réservait une splendide réception. A l’arrivée de Richard de Cornouailles, « presque tous les cardinaux et les clercs de la curie romaine s’étaient portés à sa rencontre^ tandis que le pape restait seul, ne gardant auprès de lui qu’un cardinal et quelques autres personnes. A l’approche du prince, Innocent IV, qui se tenait à l’entrée de son palais (?) se leva et vint au-devant de Richard qu’il admit au baiser, puis il lui offrit un festin : le prince prit place à tablé à côté du pape, tandis que le comte de Glocester s’asseyait un peu plus loin. Ils dînèrent joyeusement et d’une façon civile, en s’égayant au milieu des services : et des vins, comme c’est l’usage en France et en Angleterre, par une conversation pleine d’amabilité. Le pape et Richard eurent ensuite des entretiens secrets, dont la fréquence et la durée furent très remarquées. Mais on s’étonna surtout de la magnificence déployée par le pontife. » On sent, à lire ces lignes, que le narrateur de cet épisode, l’Anglais Mathieu de Paris, a tenu à faire ressortir les honneurs rendus par Innocent IV au frère de son roi.

C’est aussi par les mêmes chroniqueurs étrangers que nous connaissons certains- incidents survenus à Lyon pendant Je séjour d’Innocent IV. Par exemple, l’incendie qui se déclara dans les appartements du pape et qui détruisit une salle servant de garde-robe avec tout ce qu’elle contenait. Un autre incendie dévora aussi en partie les bâtiments du couvent des FF. Mineurs aux Cordeliers. Ces religieux purent néanmoins tenir à Lyon, en 1247, un chapitre général de leur ordre : ils firent choix, comme « maître » ou « ministre général », du frère Jean de Parme, à qui devait succéder bientôt saint Bonaventure (celui-ci mourut dans notre ville en 1274, pendant qu’un nouveau concile œcuménique y était réuni). Les chroniqueurs signalent encore, parmi ces faits divers, la mort de plusieurs cardinaux, dont l’un, le cardinal Guillaume, ‘ évêque de la Sabine, fut enterré dans l’église des FF. Prêcheurs ou Jacobins de Lyon.

Nous aimerions mieux avoir quelques détails sur l’installation du pape à Saint-Just, sur la façon dont il y vécut. On peut déduire de certains passages des chroniques, que le pape menait assez grand train. Autour de lui apparaissent des chapelains, des officiers civils, des scribes, des domestiques, sans parler des soldats qui veillent jour et nuit sur sa personne.

Les cardinaux, « ses frères », l’accompagnent dans tous ses déplacements, montés à cheval d’ordinaire, et reconnaissables de loin au chapeau rouge que le pape venait précisément de leur conférer et qui est resté jusqu’à nos jours l’insigne par excellence de leur dignité ; ils étaient eux-mêmes suivis d’une brillante escorte. Le luxe déployé en certaines occasions par le pontife (on en a donné plus haut un exemple) fit, au témoignage des chroniqueurs, une grande impression sur les habitants de la ville ainsi que sur les visiteurs étrangers : les fêtes de Lyon, pendant son séjour, annonçaient déjà celles dont Avignon devait être le théâtre au siècle suivant. Elles valurent à Innocent IV un grand renom d’opulence dans l’Europe entière : « Entre tous les papes depuis saint Pierre, dit un chroniqueur allemand, aucun ne fut mieux pourvu d’argent ni de trésors ».

L’entretien d’une suite aussi nombreuse, ces somptueuses réceptions entraînaient évidemment des frais assez lourds, moins toutefois que ceux de la lutte que soutenait le pape contre Frédéric II pour la défense des droits de l’Église. On conçoit facilement qu’il se plaignît parfois de l’état précaire de ses finances. A l’entendre, ses dettes s’élevèrent jusqu’à plus de 150.000 livres de la monnaie courante à cette époque. Pourtant, de toutes parts>, lui étaient venus des appuis pécuniaires et de magnifiques présents consistant en chevaux, meubles, vases ou vêtements de prix. Entre tous ces généreux donateurs se distingua l’abbé de Cluny outre de grosses sommes d’argent prélevées sur les revenus de tous les prieurés de l’ordre clunisien, le pape reçut de lui au moins trente — d’autres disent même quatre-vingts — beaux palefrois (chevaux de selle) richement harnachés ou chevaux « de somme » (bêtes de charge) couverts de belles housses. Chacun des cardinaux eut pour sa part un palefroi et un cheval de somme. Ces coûteuses prodigalités excitaient l’indignation de Mathieu de Paris, toujours disposé à taxer la cour romaine d’avidité insatiable : il accuse Innocent IV d’avoir, pendant son séjour à Lyon, mis au pillage tous les royaumes d’Occident.

RAPPORTS DU PAPE AVEC LES ARCHEVÊQUES DE LYON AIMERY ET PHILIPPE DE SAVOIE; AVEC LE CHAPITRE DE LA CATHÉDRALE ET LES DIVERS ÉTABLISSEMENTS RELIGIEUX; AVEC LA BOURGEOISIE ET LE PEUPLE LYONNAIS. CONCESSIONS D’INDULGENCES E DE PRIVILÈGES DE TOUT ORDRE.

De ces énormes dépenses du pape et de son entourage, une part tout au moins fut recueillie par les Lyonnais, sans compter l’argent que tant d’autres hôtes de marque leur laissaient au passage. Ils trouvaient ainsi une compensation au trouble jeté dans leurs habitudes, à l’encombrement de leur ville, à la cherté croissante de la vie, résultat inévitable de cette affluence extraordinaire de visiteurs. Pourtant, si l’on en croit Mathieu de Paris, nos concitoyens auraient assez peu apprécié cette aubaine inattendue. Leurs relations avec Innocent IV, en particulier, auraient manqué de cordialité. Toutefois, ce chroniqueur anglais, bien informé en général, mais doué d’une imagination trop vive, passionné et plein de préventions à l’égard du Saint-Siège et de la curie romaine (il n’a, d’ailleurs, jamais mis les pieds à (Lyon), ne mérite pas sur ce point la confiance qu’on peut accorder à des témoins oculaires comme Nicolas de Curbio ou Fra Salimbene. Les anecdotes qu’il conte, si plaisantes qu’elles soient, paraissent assez suspectes et ne sauraient être acceptées qu’avec réserve. La lecture des documents émanés du pape lui-même donne une tout autre idée de ses rapports avec la population lyonnaise, qu’il s’agisse des archevêques, du clergé en général ou des bourgeois de notre cité.

A l’arrivée d’Innocent IV, à la fin de l’année 1244, le siège primatial de Lyon était occupé depuis 1236 par un prélat dont l’origine est incertaine, nommé Aimeri, mais fort lettré et même docteur de l’Université de Paris. Au bout de quelques mois il abdiqua entre les mains du pape, pour se retirer au monastère de Grandmont, dans le diocèse de Limoges83. D’après un chroniqueur anglais, cet archevêque, d’un tempérament calme et pacifique, déplorait le trouble jeté dans l’Église et dans la chrétienté tout entière par l’orgueil du pape, non moins que les lourdes charges qu’imposait à son clergé et à tout son diocèse le séjour de la cour pontificale. Mais, au témoignage de Mathieu de Paris lui-même, Aimeri était déjà vieux, malade, et cela suffit à expliquer sa conduite”4. Depuis longtemps déjà, il aspirait au repos. Il attendit cependant la clôture du concile pour mettre à exécution son projet de retraite. Par une lettre datée du 28 juillet 1245, le pape lui assigna Une pension annuelle de 500 livres, à prélever sur les revenus de son archevêché et, le 13 septembre suivant, l’honora encore d’une lettre de protection spéciale.

Presque à la même date, Innocent IV lui donnait un successeur de caractère très différent dans la personne de Philippe de Savoie, déjà évêque élu de Valence, mais non consacré, parce qu’il n’avait pu encore se décider à recevoir les ordres majeurs. En le choisissant comme archevêque de Lyon, le pape cédait aux nécessités de sa situation, sans trop tenir compte des besoins de l’Église de Lyon ni des préférences de son chapitre. Le nouveau prélat appartenait à cette grande maison seigneuriale dont le pape et l’empereur recherchaient à la fois l’alliance. Poussé par sa famille dans 1-a carrière ecclésiastique, pour laquelle il ne se sentait aucun goût, l’archevêque avait conservé des habitudes de vie mondaine et féodale, tout en pratiquant mieux que personne le cumul des bénéfices. Encore jeune, il avait trente-huit ans, « bien fait et d’élégante tournure, très habile au maniement des armes (il était entré en guerre autrefois contre un compétiteur qui lui disputait l’évêché de Lausanne), plus apte à la politique qu’aux affaires spirituelles » : ainsi nous le dépeignent les chroniqueurs anglais qui n’ont pas trop chargé, il faut le reconnaître, le portrait de ce personnage. Depuis l’arrivée du pape en France, Philippe de Savoie s’était constitué son défenseur ; il l’avait amené sain et sauf à Lyon et ne cessait pas de veiller sur sa personne. Disposant d’une force militaire assez importante, il avait maintenu à Lyon, pendant toute la durée du concile, l’ordre et la tranquillité. Devenu archevêque, il avait gardé naturellement le commandement de la petite armée pontificale, qui lui convenait fort bien, et obtenu d’Innocent IV de rester administrateur de l’évêché de Valence, qui était d’un bon rapport, et possesseur, pendant cinq ans encore, des terres qui lui avaient été attribuées, lors de la dernière répartition des revenus du chapitre de Lyon dont il était membre auparavant. Quant à sa consécration épiscopale, il réussit à l’ajourner encore, jusqu’au jour où, vingt-deux ans plus tard, la mort de son frère aîné ayant fait de lui l’héritier du comté de Savoie, il résigna toutes ses charges ecclésiastiques, dont il s’acquittait, d’ailleurs, d’une façon fort irrégulière, pour aller prendre possession de son héritage et se marier (à l’âge de soixante ans) avec la fille du duc de Bourgogne, Hugues IV.

Ce singulier prélat n’était pas, à cette époque, une exception. Son frère cadet, Boniface de Savoie, bien que promu archevêque-primat d’Angleterre, résidait aussi à Lyon. Quand il se rendit dans son diocèse de Cantorbéry, où il passa d’ailleurs fort peu de temps, il s’y montra, au dire de Mathieu de Paris, plein d’arrogance et de brutalité, tombant à coups de poings et même armé d’une épée, sur un malheureux prieur de couvent qui s’était attiré son courroux et qu’on dut lui arracher des mains tout meurtri et les vêtements déchirés. S’il était, lui aussi, d’un tempérament batailleur, il avait du moins reçu, et des mains du pape lui-même, la consécration religieuse à Lyon, le 15 janvier 1245. Du reste, la plupart des dignitaires de la cour pontificale, cardinaux ou évêques, choisis eux- mêmes dans le monde féodal, menaient un train de grands seigneurs et ne se montraient pas moins avides de profits. D’après le récit du Franciscain Salimbene (dont le témoignage n’est pas suspect, puisque ce religieux était un ami du pape), un moine de son ordre n’aurait pas craint de reprocher à ces hauts personnages, publiquement et en termes assez vifs, de vivre dans la mollesse et de ne s’attacher qu’à enrichir leurs parents en leur procurant des bénéfices ecclésiastiques. Ils ne furent pas autrement émus de cette algarade. Le haut clergé tolérait alors fort bien, de la part des frères mendiants, ces hardiesses dé langage.

Innocent IV n’eut pas moins à se louer de ses rapports avec les chanoines de la cathédrale de Saint-Jean qui partageaient avec l’archevêque de Lyon le gouvernement du diocèse et même la puissance seigneuriale (ils portaient tous, comme l’archevêque lui-même, le titre de « comtes de Lyon »). Le pape avait pu leur imposer un nouvel archevêque qu’ils n’avaient pas eux-mêmes choisi, comme ils en avaient l’habitude, mais qui était du moins pris dans leurs rangs et le plus « noble » d’entre eux. Il disposa aussi fréquemment des bénéfices de l’Église de Lyon en faveur de ses propres parents ou de ses créatures. Pourtant, à cette occasion, le chapitre et l’archevêque lui-même avaient cru devoir donner au pape un sérieux avertissement, lui déclarant que, s’il persistait à pourvoir ces intrus, ils ne répondaient pas de leur vie, et que le peuple pouvait fort bien les précipiter dans le Rhône et les donner en pâture aux poissons du fleuve40. Mais le pontife ne se laissa pas effrayer par ces menaces, et les résistances, s’il en rencontra, ne durent pas être vives, puisqu’on sept ans il ne créa pas moins de quarante chanoines ou prébendiers dans le chapitre de Lyon, sans même toujours attendre qu’il s’y produisît une vacance. Ce fut seulement après le départ d’Innocent IV que le chapitre osa adresser une plainte au Saint-Siège à propos de l’installation comme chanoine de Hugues de la Tour ; encore ne faisait-il à ce dernier d’autre grief que de n’avoir pu présenter les lettres monitoires délivrées par le pape ; en d’autres termes, de n’être pas muni de titres réguliers41. Innocent IV s’empressa de donner satisfaction aux chanoines et promit de tenir compte, à l’avenir, de leurs coutumes et prérogatives en cette matière. Comment pouvaient-ils manquer de complaisance envers un pape qui avait fait à leur Église le grand honneur de la choisir comme siège d’un grand concile et d’y établir son gouvernement pour plusieurs années ? Innocent IV prodiguait d’ailleurs à la cathédrale de Lyon de précieuses marques d’intérêt. Il tint à en consacrer lui-même le maître-autel. Il contribua à hâter l’achèvement de cet imposant édifice, en accordant des indulgences, plusieurs fois renouvelées et même étendues, aux fidèles qui lui apporteraient leurs offrandes, et en invitant, par circulaires, tous les évêques des royaumes de France, de Bourgogne et même d’Angleterre à publier dans leurs diocèses ces concessions de grâces spirituelles, afin de provoquer les dons par lesquels on pouvait les acquérir.

On ne compte pas, d’autre part, les faveurs collectives ou individuelles attribuées par le pape aux divers membres du chapitre primatial, soit pendant son séjour à Lyon,, soit après qu’il eut quitté notre ville : privilèges en matière de justice ou de taxes ecclésiastiques, garanties contre les sentences d’excommunication ou d’interdit qui ne mentionneraient pas un mandat spécial du Saint-Siège; permission exceptionnelle de détenir à la fois plusieurs bénéfices, collation de prébendes à des clercs protégés de l’archevêque ou des dignitaires du chapitre; dispenses des ordres majeurs accordées à plusieurs chanoines; autres dispenses de mariage pour cause de parenté obtenues par des amis de l’archevêque ou par une nièce de l’archidiacre, etc.

Parmi les autres établissements religieux de Lyon qui furent gratifiés de privilèges du même ordre, le chapitre de Saint-Just, qui avait donné asile au pape, fut, comme de juste, le mieux partagé. Lui aussi avait entrepris la construction d’une nouvelle église. A tous ceux qui participeraient à cette œuvre, même aux simples visiteurs de Saint-Just, le pape accorda les mêmes indulgences qu’aux bienfaiteurs et aux visiteurs de la cathédrale. Comme il l’avait fait pour celle-ci, il envoya à tous les prélats l’invitation à publier dans leurs diocèses ses lettres d’indulgences, à faire bon accueil et à donner toutes facilités à ceux qui viendraient, au nom du chapitre, solliciter des dons et des aumônes. Peu de temps avant son départ de Lyon, Innocent IV put consacrer la nouvelle église de Saint-Just. L’obédiencier (ainsi qu’on appelait le premier dignitaire du chapitre) fut promu « chapelain du pape », donc attaché spécialement à la maison pontificale. (Le même titre honorifique échut au chamarier de la cathédrale et à l’abbé d’Ainay). Tout le personnel de Saint-Just, avec ses biens, fut placé sous la protection spéciale du Saint- Siège. En outre, le pape lui fit don des châteaux de Brignais et de Valsonne qu’il avait acquis de ses deniers, à la charge, lorsqu’il mourrait, de célébrer tous les ans un service pour le repos de son âme. L’obédiencier du chapitre obtint pour lui- même le prieuré du Gumières en Forez, cédé par l’abbaye de Cluny sur la demande du pape.

Les chapitres de Saint-Irénée et de ‘Saint-Paul, celui de Fourvière (dans la personne de son chef, le prévôt de Saint- Thomas), les abbayes de Saint-Pierre et d’Ainay ; certaines églises paroissiales, comme celle de Saint-Nizier, qui n’était pas encore élevée au rang de collégiale, et celle de Saint-Michel (dans la personne de son curé) enfin les FF. Mineurs et les FF. Prêcheurs, établis depuis peu dans notre ville, et qui avaient servi le pape avec un zèle tout particulier, eurent également leur part dans cette distribution de grâces pontificales. Peut-on croire qu’Innocent IV se fût montré aussi prodigue de faveurs envers le clergé lyonnais, si celui-ci ne lui avait pas prêté un appui sans réserve et donné à tout propos, au cours de six années consécutives, les preuves de sa fidélité et de son obéissance ?

Mais, après tout, le pape était en droit de compter sur l’absolu concours de l’élément ecclésiastique de la population lyonnaise. Il n’était peut-être pas aussi sûr des dispositions bienveillantes de la bourgeoisie à son égard. Lyon passait, il est vrai, pour une ville fort religieuse, mais où régnait un certain esprit d’indépendance vis-à-vis du clergé, comme en témoigne l’histoire du mouvement vaudois né, vers la fin du XIIe siècle, d’un grand élan de piété et qui avait assez vite glissé au schisme puis à l’hérésie. En outre, le peuple de Lyon supportait impatiemment la domination de ses seigneurs ecclésiastiques. Déjà, à plusieurs reprises, s’étaient produits des mouvements de révolte, apaisés par des concessions opportunes de l’archevêque et du chapitre, et même, à lire de près certains documents, un premier essai d’émancipation politique. Cette dernière tentative ne s’était pas renouvelée. Toutefois, les progrès continus, au cours des deux siècles précédents, du commerce et de l’industrie de notre ville, y avaient amené la formation d’une sorte d’aristocratie bourgeoise, forte de sa richesse, de son groupement en corporations ou en confréries, qui fournissait au peuple lyonnais, à l’occasion, des mandataires officieux pour parler en -son nom, soutenir ses revendications et organiser au besoin la lutte contre l’autorité seigneuriale. C’est avec cette classe surtout qu’il fallait compter. Il en sortait, sans doute, le héros de l’anecdote suivante, contée par Mathieu de Paris82. Un bourgeois de Lyon, qui se présentait à la porte des appartements du pape à Saint- Just, dans le but d’obtenir une audience du pontife* fut brutalement éconduit par l’officier de garde. Rendu furieux par cet accueil, il porta à l’insolent huissier un coup si violent qu’il lui trancha presque la main. Le blessé étant allé se plaindre à son maître, en lui montrant son bras mutilé, Innocent IV demanda que l’agresseur fût puni selon les lois de la cité. Mais l’archevêque Philippe, craignant des désordres s’il cédait aux exigences du pape, sut décider celui-ci à les modérer et à se contenter d’une très légère satisfaction.

Innocent IV était bien obligé de ménager ces riches négociants qui pouvaient lui rendre et lui rendirent effectivement d’importants services (services d’argent bien entendu) en des moments de gêne. Plusieurs d’entre eux, dont les noms figurent dans les conventions passées plus tard entre les bourgeois de Lyon et le chapitre (les Fuer, les Varey, par exemple), obtinrent du pape des faveurs spéciales : dispenses de parenté à l’occasion du mariage de leurs enfants, permission de célébrer la messe dans leur maison, en considération du grand âge de leur mère ou de l’état de santé de leur épouse53. L’un de ces Lyonnais est appelé, dans une lettre d’Innocent IV, « notre familier » : il occupait sans doute un emploi dans la cour pontificale. Le pape intervient même dans des procès où des Lyonnais sont engagés, tantôt pour une question d’héritage, tantôt à propos de créances d’un recouvrement difficile, et va parfois jusqu’à mettre les armes spirituelles de l’Église au service de certains d’entre eux contre leurs débiteurs récalcitrants”.

Toutefois, ses faveurs ne sont pas réservées aux seuls notables. La population lyonnaise tout entière y a participé. Au dire de son biographe, Nicolas de Curbio, le pape ne se contentait pas de distribuer des aumônes quotidiennes, mais se livrait de temps à autre à des largesses, dont les FF. Mineurs, qui faisaient partie de sa maison, étaient les dispensateurs, allant chercher les pauvres malades dans les hôpitaux et les misérables jusque dans leurs taudis”5. D’autre part, les bulles pontificales de protection ou d’indulgences ne s’appliquaient pas seulement à des constructions d’églises, auxquelles le peuple lui-même ne restait pas indifférent, mais aussi à des établissements charitables, comme l’hôpital des Contracts ou de Saint-Antoine, et celui de Saint-Just50, et même à des entreprises d’utilité publique, comme celle du pont du Rhône, dont l’entretien, depuis soixante ans peut-être, était confié aux « Frères du Pont» qui l’avaient construit, héritiers ou simplement imitateurs du pieux et légendaire architecte du célèbre pont d’Avignon.

Enfin, parmi les privilèges concédés par le pape, il en est qui intéressent tous les membres de la collectivité lyonnaise : par exemple, l’avantage de ne pouvoir être cités en justice hors de leur ville, ou frappés d’excommunication et d’interdit sans un mandat exprès du Saint-Siège. Leurs personnes, leurs familles et tous leurs biens sont placés sous sa protection spéciale. En portant cette décision à la connaissance de tous les évêques et autres seigneurs ecclésiastiques, Innocent IV les invite, au cas où des citoyens de Lyon traverseraient les lieux sur lesquels s’étend leur juridiction, à veiller sur leur sécurité à l’aller et au retour, à garantir leurs biens, à ne pas permettre qu’ils soient molestés, et à leur faire prompte justice, s’ils ont recours à leur autorité 58. Ces dernières lignes ne peuvent que concerner les marchands de notre ville et attestent qu’ils se déplaçaient déjà souvent pour leurs affaires. Il semble même que le pape ait favorisé les tendances autonomistes de la population lyonnaise. Ne va-t-il pas jusqu’à déclarer que les gens envoyés en cour de Rome par les citoyens de Lyon pour défendre leurs intérêts, les procureurs de la ville, par conséquent, quels qu’ils soient, seront traités comme s’ils faisaient partie de la maison pontificale et recevront une rétribution ? On dira peut-être que tous ces parchemins coûtaient peu de chose au pontife et que, à part les aumônes qu’il répandait avec tant de générosité, il n’a pas payé bien cher la fastueuse hospitalité qu’il avait reçue à Lyon. Si, par sa venue et son séjour prolongé, il avait procuré à notre ville une illustration nouvelle, beaucoup d’honneur et même certains profits, il lui avait attiré aussi plus d’un désagrément et imposé, surtout au clergé lyonnais, d’assez lourdes charges. Pourtant, à qui est familiarisé avec les mœurs du Moyen Age, où les procès en cour d’Église, surtout en cour de Rome, étaient l’occasion de coûteux déplacements et de frais assez élevés, où, d’autre part, on usait des foudres de l’Église avec une facilité excessive, ces privilèges ne paraîtront pas d’une valeur négligeable. Le nombre de ces actes pontificaux dépasse la centaine, encore ne sommes-nous pas sûrs de les posséder tous. Les dates qu’ils portent s’échelonnent d’une façon irrégulière de 1243 à 1254. Il y en a plus de quarante pour la période comprise entre le moment de l’arrivée à Lyon d’Innocent IV et le mois de décembre qui précéda son départ, c’est-à-dire en six ans ; mais, rien que pour les quatre mois suivants, de janvier à avril 1251, on en compte une trentaine. Il semble qu’à la veille de quitter Lyon, le pape ait tenu à laisser des cadeaux d’adieu à tous ceux qui l’avaient reçu ou obligé.

Les préambules de ses lettres de concessions, quelquefois assez longs, expriment ses sentiments à leur égard et quelques- uns valent la peine d’être cités. Celui de la bulle du 13 février 1251, rendue en faveur des Lyonnais, rappelle d’abord les événements qui ont forcé Innocent IV à chercher un refuge au-delà des Alpes. S’il a choisi Lyon, c’est à cause de ses titres de noblesse, de la pureté de sa foi, de la paix et de l’union qu’on y voit régner, de l’abondance en toutes choses qu’on y remarque, et aussi de la commodité de sa situation, qui le rend accessible à tous ». Après cet éloge flatteur de la ville, vient celui de ses habitants. Le pape vante surtout leur dévouement au chef de l’Église dont ils ont donné des preuves éclatantes. Dans une autre bulle, adressée aussi « à ses chers fils les citoyens de Lyon », il déclare « qu’il gardera toujours au fond de son cœur le souvenir de leur réception ; il tient à leur prouver à son tour la paternelle affection qu’il leur porte, en raison des honneurs et des services qu’ils lui ont rendus ».

Voici encore le préambule des lettres données aux chanoines de Saint-Just : « Le dévouement sans mesure de votre église envers nous et envers le siège apostolique, alors que nous séjournions près d’elle, s’est manifesté d’une si éclatante façon, qu’elle a mérité que nous l’honorions de privilèges exceptionnels, témoignage de nos sentiments intimes. Jamais nous ne pourrons oublier avec quelle vénération elle nous a reçu, de quels soins affectueux elle nous a constamment entouré. Nous conserverons ces choses dans l’écrin du cœur (in scrinio pectoris), si bien qu’en y pensant souvent, nous vous reverrons, vous et votre église, avec les yeux du cœur qui, dans l’éloignement, suppléent à ceux du corps. Elle s’est fait remarquer par son empressement à reconnaître le pontife romain, père et pasteur de tous les fidèles, dont elle s’est montrée la fille très dévouée. Ils sont dignes de notre faveur, les chanoines qui se sont appliqués à nous honorer de toute façon. Aussi est-il juste, à cause de ses éminents services, que nous rehaussions l’église de Saint-Just par des privilèges qui lui fassent honneur ». Malgré quelque recherche dans la forme, le langage du pape témoigne d’une sincère et vive gratitude.

Le moment de son départ était arrivé (on était alors dans la semaine sainte du carême de 1251). Ici encore nous laissons la parole au biographe d’Innocent IV : « Lorsque le bruit s’en fut répandu dans les pays voisins et même plus loin, une telle foule de gens se dirigea sur Lyon que la ville était incapable de les contenir tous; et comme ils demandaient à grands cris à voir le souverain pontife, pour recevoir de lui l’absolution de leurs péchés et le bienfait de sa bénédiction apostolique, il fallut que le pape, accédant par bonté à leur désir, sortît le jeudi saint de la ville et se rendît en pleine campagne. Il prêcha la foule, la bénit, lui accorda des indulgences et, après ces adieux émouvants, revint à Saint-Just pour y célébrer une messe solennelle. L’empereur désigné, Guillaume de Hollande, arrivé récemment d’Allemagne, assistait à cette scène, avec d’autres princes et seigneurs. Dans le cortège, il marchait à la droite du pape, tenant son cheval par la bride. Il entendit son discours que l’archevêque de Trêves traduisit pour les Allemands. Dans la journée, il prit un repas avec le pape, qu’entouraient des cardinaux et de nombreux prélats.

Ce récit d’un témoin fidèle suffit à infirmer la version assez étrange que donne des adieux d’Innocent IV le moine anglais Mathieu de Paris. D’après lui, le pape, trop occupé par ses préparatifs de départ, aurait chargé le cardinal Hugues de Saint-Oier d’haranguer à sa place le peuple de Lyon. Ce personnage, après avoir en termes choisis et fort civils salué la foule au nom du pape et de toute la cour pontificale, aurait terminé son discours par cette déclaration inattendue : « Mes amis, en venant dans votre ville, nous vous avons rendu un grand service et fait une belle aumône. A notre arrivée, nous avons trouvé ici trois ou quatre lieux de débauche ; en quittant Lyon, nous n’en laissons qu’un seul : il est vrai qu’il s’étend d’un bout à l’autre de la ville, du Levant à l’Occident. »

LE DÉPART D’INNOCENT IV (19 AVRIL 1251) ; SES ADIEUX A LA POPULATION LYONNAISE ; SON RETOUR EN ITALIE

Le chroniqueur ajoute que les femmes, venues en très grand nombre pour écouter l’orateur, furent très offusquées par ce langage et que de violents murmures s’élevèrent de la foule irritée. Il est impossible de croire qu’un tel propos, aussi injurieux que grossier, ait été tenu publiquement devant une assemblée convoquée au nom du souverain pontife. S’il ne s’agit que d’une boutade, lancée dans un cercle d’intimes par un moine dépourvu de pruderie, et que justifiait sans doute le désordre moral jeté dans la ville par la soldatesque très nombreuse qui la remplissait, cela n’aurait rien d’invraisemblable. Les chroniques de ce temps, surtout celles écrites par des religieux appartenant aux ordres mendiants, fourmillent de traits du même genre.

Le mercredi qui suivit la fête de Pâques (19 avril 1251), Innocent IV et Guillaume de Hollande sortirent ensemble de Lyon : l’empereur élu retournait en Allemagne, emmenant dans sa suite le cardinal Hugues de Saint-Oier, tandis que le pape reprenait le chemin de l’Italie par la vallée du Rhône. L’archevêque élu de Lyon, Philippe de Savoie, l’accompagnait, comme à son arrivée, avec une forte escorte militaire, ce qui lui coûta encore 3.000 marcs d’argent : au dire de son intendant, ce prélat aurait dépensé en un seul jour, pour la nourriture et la solde de sa troupe, un millier de livres. Parvenu à Vienne, le pape s’embarqua sur le fleuve qu’il descendit jusqu’à la hauteur d’Orange ; de là il gagna Marseille par voie de terre, en passant par Carpentras où l’archevêque prit congé de lui. Le passage du pontife et de son brillant cortège suscitait partout une ardente curiosité. « Tant en Bourgogne qu’en Provence, dit son biographe, les gens affluaient de toutes parts, venus des villes, des bourgades, et même des moindres villages. Une multitude de clercs, de religieux, de laïques, même de femmes et d’enfants, se précipitaient en courant vers le pape, tout haletants d’impatience, tant ils désiraient le connaître ; et s’ils étaient assez heureux pour l’apercevoir, ils l’accueillaient par des chants et des acclamations. Les populations méridionales furent encore plus démonstratives que les Lyonnais.
De Marseille, par la voie maritime, Innocent IV aurait pu atteindre plus vite Rome, qui était le but de son voyage. Mais il avait trop souffert de sa précédente traversée de Cività Vecchia à Gênes, pour reprendre de nouveau la mer. Il préféra gagner l’Italie en suivant le littoral. Il semble, d’ailleurs, qu’il ne fût pas pressé d’arriver à Rome, dont la population lui inspirait toujours quelque crainte. Il s’attarda beaucoup en route, s’arrêtant tour à tour à Gênes, Milan, Ferrare, Bologne, Pérouse, Assise ; il se trouvait encore dans cette dernière ville à la fin du mois de juillet 1252, quinze mois après son départ de Lyon. C’était, visiblement, avec une extrême fierté qu’il « rentrait en triomphateur dans le pays que, sept ans auparavant, il avait quitté en fugitif ». Pourtant la lutte entre le pape et la maison de Souabe n’avait pas cessé. Même après la mort de Frédéric II, Innocent IV poursuivit la guerre contre ses descendants qui tentaient de se maintenir au moins dans l’Italie du Sud : il s’était juré d’exterminer « cette race de vipères ».

Loin de notre ville, qu’il ne devait plus revoir, le pontife n’oubliait pas ses chers Lyonnais et continuait à leur prodiguer les marques de sa bienveillance : le tiers au moins des bulles rendues en leur faveur est daté des années qui s’écoulèrent depuis son départ de Lyon jusqu’à sa mort, qui survint au mois de décembre 1254, après onze ans et demi d’un règne assez court, mais agité et rempli d’événements. Le clergé et le peuple de Lyon, qui conservaient avec tant de soin dans leurs archives les nombreuses lettres de privilèges et d’indulgences dont il les avait comblés, firent preuve à l’égard de leur bienfaiteur d’une froideur singulière. Ils ne paraissent pas avoir jamais songé à fixer par quelque monument, pas même par une relation écrite, le souvenir des années que le grand pape avait passées au milieu d’eux, et du grave événement qui s’était accompli dans leur cité.

Le seul témoignage public de leur gratitude envers Innocent IV consista dans une inscription de quatorze vers latins, depuis longtemps disparue, mais qu’on pouvait lire encore au XVIe siècle sur l’une des tours placées à l’extrémité du pont du Rhône à Lyon. Le texte en a été recueilli par l’érudit forézien Papire Masson. Elle faisait allusion à l’indulgence d’un an et quarante jours accordée par le pape à tous ceux qui contribueraient de leurs deniers à l’achèvement du pont, et avait été probablement composée par l’un des religieux qui travaillaient à sa construction. Le mauvais goût des poètes de l’époque s’y révèle par toute une série de jeux de mots portant même sur le nom du pape. Le plus sagace de nos vieux historiens lyonnais, le Père Menestrier, a eu soin de la reproduire. Mais il a su l’apprécier à sa juste valeur, car, dans un autre endroit de son Histoire civile et consulaire de Lyon, il reproche avec raison à ses concitoyens de n’avoir pas « fait graver sur le marbre ou sur le bronze, pour placer dans leur hôtel de ville », vis-à-vis de la célèbre table de l’empereur Claude, le texte de la plus importante des bulles dont le pape les avait favorisés (nous l’avons citée plus haut), « Mais, dit-il à ce propos, nous vivons dans un siècle où peu de personnes s’intéressent à reconnaître les bienfaits si éloignés w08. Plus de deux siècles se sont écoulés depuis que ces lignes furent écrites. Les Lyonnais songent moins que jamais à réaliser le vœu de leur auteur, et à honorer par quelque monument public la mémoire du pontife dont la venue et le séjour prolongé avaient valu à leur cité une nouvelle gloire, en fixant sur elle pendant plus de six ans l’attention de tout le monde chrétien.

Du moins ont-ils le devoir de ne pas laisser tomber dans l’oubli l’un des plus brillants épisodes de leur histoire.

Ph. POUZET, professeur honoraire d’histoire au Lycée Ampère de Lyon.
In Revue d’histoire de l’Église de France – 1929 –