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Collégiale Saint-Just – Mémoire et Patrimoine

figures de la collégiale I La rose d’or de la collégiale

LA ROSE D’OR DE LA COLLÉGIALE

Article  extrait du bulletin de la FSSP Lyon, Communicantes n°120 – Janvier-Févirer-Mars 2019 – Avec l’aimable autorisation du Supérieur

La rose d’or est un objet ornemental béni par le pape, généralement une fois par an, le quatrième dimanche de Carême (Lætare), et destiné à honorer des souverains ou des sanctuaires catholiques. Comme son nom l’indique, il représente une rose, un bouquet de roses ou un petit rosier en or massif.

La première Rose d’or aurait été offerte par le pape saint Léon IX à l’abbesse du couvent de Sainte-Croix de Woffenheim, en 1049. Elle venait remplacer, comme distinction papale suprême, la clef de saint Pierre. Cette dernière, qui avait été instituée au VIIIe siècle, était en or et on y avait fait entrer un peu de limaille des chaines du Prince des Apôtres. La Rose d’or était traditionnellement portée en procession, de la basilique Sainte-Croix de Jérusalem jusqu’au palais du Latran, lors du dimanche de Laetare, également appelé « dimanche de la Rose » pour cette raison.

Elle était d’abord portée par le pape lui-même. Par la suite, quand le poids de la Rose augmenta, un clerc fut chargé de cette tâche. C’est à cette occasion que le pape bénissait, dans la sacristie de la Sainte-Croix, le baume du Pérou et le musc du Tonkin destinés à la Rose, avant que celle-ci ne soit portée par un ablégat à son destinataire, ou remise à un ambassadeur résident. En 1895, la charge de porter la Rose d’or fut confiée à un camérier secret de cape et d’épée.

À l’époque contemporaine, saint Jean-Paul II remit des Roses d’or à de nombreux sanctuaires dédiés à la Vierge Marie, comme celui de Lourdes ou de Guadalupe au Mexique. En 2006, le Pape Benoit XVI donna la Rose d’or au sanctuaire de Jasna Góra (Pologne) et en 2007 à la basilique d’Aparecida, au Brésil. La dernière Rose d’or, jusqu’à présent, a été remise à la Vierge de Fatima, le 12 mai 2017 par le pape François.

 La plus ancienne représentation connue de la Rose d’or (XIIIe siècle) est une rose seule portant en son cœur une petite coupe ajourée contenant du baume et du musc. Avec Sixte IV, le dessin se complique : la Rose d’or représente également des tiges épineuses, des feuilles ou encore des bourgeons ; des pierres précieuses sont aussi serties dans le bijou. Par la suite, on y ajoute un piédestal et un vase. Ainsi, en 1668, la Rose d’or envoyée par Clément IX à Marie-Thérèse d’Autriche, épouse de Louis XIV, pèse 4 kilogrammes.

La Rose d’or, si elle est un présent couteux, revêt également une importance symbolique. Elle symbolise le Christ puisque la rose rouge symbolise sa Passion. On interprète en ce sens un verset du Cantique des cantiques : « Je suis la fleur des champs et le lis des vallées » (2-1), ou encore un verset du livre d’Isaïe : « et il sortira un rejeton de la souche de Jessé, et une branche de ses racines fructifiera ».

Voici le texte de bénédiction utilisée par le pape :

« Ô Dieu, dont la parole et la puissance ont tout créé, dont la volonté gouverne toutes choses, vous qui êtes la joie et l’allégresse de tous les fidèles ; nous supplions votre majesté de vouloir bien bénir et sanctifier cette Rose, si agréable par son aspect et son parfum, que nous devons porter aujourd’hui dans nos mains, en signe de joie spirituelle : afin que le peuple qui vous est consacré, étant arraché au joug de la captivité de Babylone par la grâce de votre Fils unique qui est la gloire et l’allégresse d’Israël, représente d’un cœur sincère les joies de cette Jérusalem supérieure qui est notre mère. Et comme votre Église, à la vue de ce symbole, tressaille de bonheur, pour le gloire de votre Nom ; vous, Seigneur, donnez-lui un contentement véritable et parfait.

 Agréez la dévotion, remettez les péchés, augmentez la foi ; guérissez par votre pardon, protégez par votre miséricorde ; détruisez les obstacles, accordez tous les biens, afin que cette même Église vous offre le fruit des bonnes œuvres, marchand à l’odeur des parfums de cette Fleur qui, sortie de la tige de Jessé, est appelée mystiquement la fleur des champs et des lis des vallées, et qu’elle mérite de goûter une joie sans fin au sein de la gloire céleste, dans la compagnie de tous saints, avec cette fleur divine qui vit et règne avec Vous, en l’unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

La Rose d’or de la Collégiale Saint-Just

Du 24 décembre 1244 au 19 avril 1251, le pape Innocent IV, venu pour le premier concile de Lyon, réside dans l’enceinte de la collégiale Saint-Just, située alors hors les murs de la cité lyonnaise.

Pour les remercier de leur accueil, il fait don aux chanoines de Saint-Just des châteaux et baronnies de Brignais et Vourles (raison pour laquelle les chanoines portaient le titre de baron), de la seigneurie de Saint-Clément-en-Valsonne, de son calice, de sa croix et de ses vêtements pontificaux. Mais le don le plus précieux fut la fameuse Rose d’or !

Le pape la bénit le 26 mars, 4edimanche de Carême, 1251. Elle fut remise au chapitre le mercredi de Pâques, 19 avril 1251, jour de départ d’Innocent IV pour Rome.

La Rose d’or de Saint-Just était surmontée d’une intaille antique (une cornaline), représentant la tête d’Hercule, symbolisant l’effigie d’Innocent IV. Elle était exposée les dimanches du temps de la Passion. Elle disparut lors du sac de la collégiale par les huguenots en 1562, ou bien à la Révolution puisqu’elle est mentionnée dans l’Almanach spirituel des reliquaires sacrés, en 1733.

Grâce à la générosité d’un ami italien, la collégiale possède depuis peu, une réplique de cette Rose d’or pour évoquer l’admirable témoignage de reconnaissance du pape Innocent IV, et sa grande histoire.

Cette reconstitution de la Rose d’or a été bénie au cours de la Grand’messe du dimanche de Lætare, 4e dimanche de carême, le 31 mars 2019. Elle fut ensuite exposée, les dimanches de la Passion, sur le maître-autel durant la messe avant d’être conservée tout au long de l’année, dans l’armoire aux reliques.

L’abbé Boué, curé de la paroisse Saint-Just de 1823 à 1848, acheta chez un antiquaire un tableau du XVIIe siècle représentant le don par le pape Innocent IV de la Rose d’or au chapitre de Saint-Just. Ce tableau se trouve encore dans la sacristie de la collégiale.

En 1252, à son retour en Italie, Innocent IV envoya cette lettre aux chanoines de Saint-Just :

 “Innocent Évêque, serviteur des Serviteurs de Dieu ;

 À nos fils bien-aimés, l’Obéancier, et le chapitre de l’Église Saint-Just de Lyon, salut, et bénédiction apostolique.

 Quoy que celuy, de qui nous tenons cette faveur, que les fidèles le servent dignement & louablement, départe à ses serviteurs des grâces incomparablement plus grandes qu’ils n’en peuvent mériter, ce qu’il fait par une abondance de bonté, toutefois nous désirant de rendre le peuple agréable à notre Seigneur, invitons aussi par les dons qui nous sont attrayants, à savoir par les indulgences, & par la rémission des péchés, les fidèles de Jésus-Christ à plaire à Dieu, afin qu’ils deviennent plus capables de recevoir les divines grâces. Comme donc nous jugeasmes à propos, quand nous séjournions à Lyon dans le cloitre de nostre Église de Saint-Just, de luy donner la Rose d’or, que nous tenions à la main selon la coutume, le Dimanche auquel on chante, laetare Jérusalem, maintenant que nous avons la volonté d’honorer de quelques présents plus considérables, & qu’aussi nous désirons qu’on la fréquente avec plus de dévotion & d’honneur, nous confiant à la Miséricorde de dieu Tout-puissant, & appuyés de l’autorité des bienheureux Apostres Saint Pierre, & Saint Paul, nous relachons miséricordieusement pour chaque année à tous ceux, qui étant véritablement contris, & confessé, auront visité dévotement cette Église le même dimanche, & jusqu’aux Octaves de la Résurrection de nostre Seigneur, un an, & quarante jours de pénitence à eux enjointe.

 Donné à Pérouse, le quatrième jour devant les nones de Décembre, la neuvième année de nostre Pontificat l’an mille deux-cent cinquante-deux.

 Innocentius IV”