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Collégiale Saint-Just – Mémoire et Patrimoine

figures de la collégiale I Thélis Vachon

LE CAPITAINE JOSEPH-THÉLIS VACHON, HÉROS DE LA GRANDE GUERRE ET PAROISSIEN DE SAINT-JUST

Article  extrait du bulletin de la FSSP Lyon, Communicantes n°119 – Décembre 2018 – Avec l’aimable autorisation du Supérieur

“On demande des volontaires pour l’aviation, je suis jeune, je ne suis pas marié. Mon devoir est là. Préparez maman.”

Extrait de “La Guerre Aérienne illustrée par Jacques Mortane – Publié de 1916 à mars 1919 – Pour cette page numéro 89

Une source intéressante: http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/escadrille002.htm

Capitaine Thélis Vachon

Ainsi s’exprimait le capitaine Thélis Vachon dans une lettre à son frère lorsqu’il demanda à entrer dans la cinquième arme. « Préparez maman ! » Que de mères ont pressenti la fin prochaine de leur enfant lorsqu’elles ont appris qu’il optait pour le métier des ailes ! Quelles angoisses, quel calvaire elles ont vécu durant la carrière de l’oiseau ! Et quel chagrin le jour où la missive quotidienne ne vient pas : le cœur d’une maman devine si bien ce qui touche son fils !

Elle ne vint pas la missive quotidienne du capitaine Vachon ! Elle fut remplacée par d’autres, pleines d’émoi, de tristesse, d’admiration : le grand héros, toujours le « petit » pour la mère était à son tour tombé glorieusement pour la France. Artisan de la victoire, il ne put assister au triomphe définitif : le 14 octobre 1918, il avait été blessé mortellement.

Les phases du drame ? Écoutez !

Vers sept heures, le capitaine Vachon était parti de Daucourt avec son observateur le sous-lieutenant Gavoret pour une surveillance d’artillerie. Il s’agissait d’aller repérer des batteries et des convois pour les prendre sous notre tir. À neuf heures trente, l’équipage devait être relevé par un camarade. À 100 mètres nuages. L’avion monte encore car la couche épaisse est vers 1000 mètres. Vachon crie dans l’acoustique : « attention de ne pas nous perdre. » On ne voit en effet ni Sainte-Menehould, ni l’Argonne. Les lignes ! « Regardez bien s’il n’y a pas de Boches, nous allons faire un tour chez eux. » Gavoret est aux aguets. Ils vont à trois ou quatre kilomètres à l’intérieur du territoire ennemi, puis reviennent. Ils aperçoivent une batterie et la signalent à l’artillerie, demandant le réglage sur ce point. L’officier d’antenne met le panneau : « Attendez quelques minutes. » Un quart d’heure se passe : « Batterie prête. Tirez. » Les aviateurs ne voient pas la salve : « Non vu. Tirez fusant. » On remet le panneau : « Attendez quelques minutes. » Encore un quart d’heure. Il est neuf heures. Gavoret attrape l’acoustique : « ils m’ont encore prié d’attendre. » Vachon ne répond que deux mots : « Les Boches ».

L’observateur bondit face en arrière sur ses mitrailleuses, pendant que le pilote tire sur le manche. Puis il pique sur un avion ennemi et le mitraille. Deux boches étaient alors devant, mais ils lâchent prise devant la chaude réception que leur a réservé le capitaine. Un autre arrive par derrière, en dessus. L’observateur prévient son chef et tire pendant que Vachon fait des zigzags pour se dégager. L’adversaire n’insiste plus. Un autre surgit à droite et en dessous, se contente de mitrailler en passant et un dernier revient par derrière. La riposte le met en fuite. Plus de boches ! Le combat est fini.

L’observateur pousse un soupir de soulagement. Pas longtemps !

L’essence coule, un hauban de la queue est coupé et le capitaine Vachon dit : « J’en tiens ! » « Je crois bien que j’en tiens aussi, répond le sous-lieutenant Gavoret, car j’ai senti un coup près de l’épaule droite. Je vais atterrir ». La voix semble voilée. L’avion descend, passe l’Aisne. Le pilote remet du moteur pour franchir une haie et atterrit avec une précision extrême. L’appareil roule. Un cheval prend peur, court, accroche l’aile gauche, le train d’atterrissage se brise, l’aile touche terre, mais l’appareil se cale sans capoter. Des artilleurs arrivent. Ils aident l’observateur à sortir son chef de la carlingue et c’est maintenant seulement que Gavoret se rend compte de l’étendu du drame. Le capitaine Vachon lui dit : « J’ai mon compte, mais cela m’est égal. Je suis heureux de mourir ainsi. Trouvez-moi vite un prêtre. » Il parle avec son calme habituel. On le place sur un brancard : « Doucement, doucement, demande-t-il ». Le prêtre arrive et le brave se confesse. Un médecin suit, qui examine la blessure : la balle est entrée dans le dos sur le côté droit, faisant un trou insignifiant. Elle a traversé le poumon, s’est logée dans le foie. L’hémorragie a été interne. Le capitaine Vachon étouffe, mais il parle comme s’il était au mess : « Hein ? dit-il à son passager, j’ai bien manœuvré tout de même avec ma balle dans le ventre. J’ai été touché dès le début. Heureusement, j’ai pensé que vous étiez derrière moi, sans quoi je lâchais tout. J’ai craint de m’évanouir. Cela m’a fait comme si on me coupait en deux. C’est pourquoi je n’ai pas essayé de rentrer au terrain. Je vous en demande pardon ». Puis repensant à sa fin imminente : « Vous direz à ma mère que je suis mort en bon chrétien. Cela a une très grande importance pour elle ».

Le docteur lui fait deux piqûres. Une ambulance arrive enfin. Le moribond s’asseoit sur une banquette, soutenu par le médecin et l’observateur. Trajet atroce sur une route abominable. Vachon serre les dents pour ne pas crier, tant il souffre. Vers midi, le lugubre équipage arrive à l’ambulance de Villers. Des prisonniers allemands font l’office de brancardiers. Ils s’approchent du blessé pour le transporter : « Non, non, pas de Boches. » réclame le capitaine.

Il donne tous les renseignements qui lui sont demandés avec calme et précision et pourtant qu’elles devaient être ses pensées ! À un moment, il laisse échapper de ses lèvres déjà blanches : « Grand-père ! » Le médecin-chef essaie de le rassurer. « Non, répond Vachon, j’ai mon compte, je le sais. Je suis heureux de mourir ainsi. J’offre à Dieu le sacrifice de ma vie pour maman et pour la France ».

Ses camarades arrivent en larmes pour voir une dernière fois le chef vénéré et adoré : « Je reconnais votre voix, dit-il à l’un d’eux, je ne vous vois pas, mais je vous reconnais ».

À sept heures du soir, l’âme du grand soldat, s’en allait vers les cieux ! Oh ! Oui, grand soldat. Lisez plutôt ces lignes du général de Mondésir dans une lettre à Mme Vachon :

« Ayant rouvert les yeux après l’atterrissage et entendant au-dessus de sa tête le moteur d’un avion votre cher fils dit : « Est-ce l’avion qui devait me relever car ma tâche n’était pas finie ! … » Que c’est beau ! Il a pensé jusqu’au dernier moment à son devoir et à l’appui qu’il avait à donner à la division d’infanterie pour laquelle il travaillait, il n’a pas songé à lui, à sa grave blessure, aux suites qu’elle pouvait avoir ».

Thélis Vachon qui, d’observateur était devenu pilote, s’entrainant et passant son brevet au front, avait eu la plus belle carrière qu’on puisse imaginer dans l’aviation d’observation. La liste des récompenses qui lui furent décernées prouve qu’il était un grand as. Mais dans sa spécialité, on ne connaissait pas les satisfactions du communiqué. La rosette de la Légion d’honneur arriva lorsqu’il venait d’expirer.

Nous en publions le motif à la fin du palmarès de ce héros :

« Sous-lieutenant Vachon, observateur. D’une grande énergie et d’un grand courage, rend journellement les plus grands services. Le 9 août 1915, a provoqué l’admiration de toute une division en achevant un réglage de tir, malgré le feu intense et ajusté des canons ennemis qui ont tiré sur lui plus de 140 obus. Le 8 septembre 1915, au cours d’un réglage a reçu un obus de plein fouet qui a traversé son appareil, l’obligeant à une descente rapide que l’habileté seule du pilote a empêché d’être fatale ».

« Lieutenant Vachon, observateur. Excellent observateur d’artillerie d’une extrême bravoure, toujours prêt à remplir toutes les missions, les provoquant très souvent. À accompli en juillet 1916, soit comme observateur, soit comme pilote des reconnaissances extrêmement périlleuses et des réglages efficaces à une très faible hauteur dans les lignes ennemies. Le 21 juillet, s’est porté au secours d’un camarade attaqué par un fokker à l’intérieur des lignes ennemies et l’a dégagé. Est rentré avec son appareil atteint de 15 balles ».

« Lieutenant Vachon, observateur. Le 25 août 1916, a entrepris et continué un réglage dans les lignes ennemies, malgré la présence d’un avion de chasse allemand. A soutenu le combat contre cet avion jusqu’à épuisement complet de munitions. »

« Légion d’honneur. – Lieutenant Vachon, observateur, Vaillant officier qui a donné de nombreuses preuves de son courage et de son énergie. Le 2 décembre 1916, au cours d’un réglage, s’est porté au secours d’un camarade attaqué par deux avions allemands et a attiré sur lui le feu de l’ennemi. Après avoir dérouté lui-même l’adversaire qui le poursuivait, a continué l’accomplissement de sa mission bien que son appareil ait été atteint très gravement par les balles et que sa mitrailleuse ait été rendue inutilisable. Déjà trois fois cité à l’ordre. »

« Lieutenant Vachon, pilote-observateur. – Officier d’élite, aussi brave que modeste. Pendant les attaques de Champagne (juin, juillet 1917) a rendu les meilleurs services comme observateur et comme pilote, volant tous les jours, malgré l’activité de l’aviation ennemie pour coopérer au succès d’une opération importante ».

« Lieutenant Vachon. – Officier hors pair, d’une bravoure, d’un dévouement et d’une expérience sans égal. A notamment exécuté, du 28 octobre au 7 novembre 1917, une suite de reconnaissances hardies à basse altitude, volant journellement, malgré le mauvais temps, sous un violent tir ennemi. A ramené un avion sérieusement atteint par les balles de l’infanterie adverse ».

« Capitaine Vachon. – Excellent chef d’escadrille, possédant au plus haut point des qualités de courage et de sang-froid. Toujours en tête de ses missions aériennes, a eu, à maintes reprises, son appareil gravement atteint par les éclats d’obus et les balles de mitrailleuses. Attaqué par une patrouille de trois avions ennemis, a réussi à abattre l’un deux et à mettre en fuite les deux autres ».

« Capitaine Vachon. – Commandant d’escadrille d’élite, entraînant magnifiquement ses pilotes et observateurs par les beaux exemples de courage et d’allant qu’il leur donne chaque jour. Le 14 mai 1918, exécute une reconnaissance à 500 mètres d’altitude à 2 kilomètres dans les lignes ennemies et en apporte des renseignements précieux. Le même jour, attaqué au cours d’une destruction par quatre monoplaces ennemis, accepte le combat. A son appareil atteint dans ses œuvres vives dès le début de la lutte (moteur criblé de balles et arrêté) continue à se défendre avec le plus beau calme et force un des ennemis à piquer dans ses lignes ».

« Escadrille Sal.39.-  Escadrille modèle qui, sous l’énergique impulsion de son chef, le capitaine Vachon, donne en toute circonstances le plus bel exemple de discipline, d’ardeur au travail et d’intrépidité au combat. A exécuté et réussi depuis un an plus de 800 missions au cours desquelles elle a engagé 50 combats, abattu 7 avions ennemis et contraint, à 3 reprises différentes, des observateurs de drachen à sauter en parachute ».

« OFFICIER DE LA LEGION D’HONNEUR. – Capitaine Jean-Joseph-Thélis Vachon : Officier et chef d’unité d’élite, possédant les plus belles vertus militaires et morales. Entré dans l’aviation en mars 1915, n’a cessé d’être pour tous un exemple de discipline, de devoir, d’esprit de sacrifice et de bravoure, joint à une admirable modestie. Mortellement blessé le 14 octobre 1918, alors qu’il tenait tête à 5 avions de chasse ennemis, a eu la suprême énergie de se dégager de leur poursuite et d’atterrir dans nos lignes, sauvant ainsi son observateur. Huit cents heures de vol, 35 combats, 1 avion ennemi abattu, 10 citations. »

Et ce grand caractère ne fut jamais cité au communiqué. Il aurait disparu dans une gloire obscure si, nous n’avions pas rendu un juste hommage, bien faible hélas ! à tant d’héroïsme. Nous nous contenterons d’ajouter à ces témoignages officiels l’opinion du capitaine de Lavergne, commandant l’aéronautique d’un corps d’armée :

« Le capitaine Vachon est une des plus belles figures que j’aie connues dans l’aviation. Adoré de ses hommes, admiré par tous ses camarades, il a fait pendant toute la guerre des choses qui ont arraché des cris d’admiration à ceux qui peuvent apprécier ce que sont le vrai courage, l’héroïsme le plus pur. Il a fait de son escadrille un merveilleux instrument de combat et son âme y vivra toujours. Il joignait à toutes ses qualités de bravoure une modestie, une simplicité qui nous faisaient nous incliner bien bas devant lui. J’ai trouvé en lui un collaborateur d’un dévouement absolu et d’une valeur dont je connaissais tout le prix. Je l’ai pleuré du fond du cœur en songeant au camarade que je perdais et à la perte cruelle que la France faisait en lui ».

Issu d’une vieille famille lyonnaise, Thélis Vachon avait eu à sept ans la douleur de perdre son père, officier de cavalerie. Aîné de six enfants, malgré son jeune âge, il comprit la charge qui lui incombait et se mit au travail. Dirigé par son grand-père maternel, M. Barba, ingénieur de la marine, puis ingénieur en chef du Creusot, il fit de brillantes études au collège de Saint-Brieuc. À moins de dix-sept ans, il était bachelier. Il aurait voulu entrer au Borda, mais une légère myopie – qui ne le gêna pas dans l’aviation – le fit éliminer du nombre des concurrents.

Son développement intellectuel ne nuisait pas à celui de son corps. Sportif dans l’âme, il excellait dans le football, la natation, le tennis et la course à pied.

Ses études terminées, il alla passer un an et demi à Londres où il entra à la Compagnie transatlantique. Il fit partie d’une équipe d’association franco-anglaise où il se montra gardien de but remarquable.

Désireux de se débarrasser de son service militaire, il s’engagea dans l’artillerie à Rennes, à dix-huit ans. Il passa l’examen d’élève officier de réserve et terminait son temps comme sous-lieutenant lorsque la guerre éclata.

Le caractère de Thélis Vachon était fait de quatre qualités : la loyauté, le charme, la ténacité, la conscience. Il attachait le plus haut prix à la vérité et dans les menus faits quotidiens comme dans les grands traits de sa vie, il s’appliqua toujours à être franc. Charmeur ? Sa belle figure, mais surtout son entrain, sa gaîté lui attiraient toutes les sympathies. Depuis sa plus tendre enfance, il n’eut que des amis. De tous, il faisait ce qu’il voulait, sans effort, non parce qu’il commandait, mais parce qu’on désirait lui obéir. Sa volonté était légendaire : il réalisait tout ce qu’il se proposait. Quant à sa conscience et à sa modestie, ses citations en font foi. Dans son secteur, il était célèbre, et lorsque les poilus voyaient voler par un temps à ne pas mettre un avion dehors, ils s’écriaient : « Voilà l’escadrille des lapins. Il n’y a qu’elle pour oser sortir ». Car le capitaine Vachon avait modelé tous ses pilotes et observateurs à son image.

Esclave du devoir, il adorait le combat, la lutte. Lorsqu’il allait en permission à Lyon, avant l’expiration de son congé, il désirait repartir pour aller rejoindre son unité : « Il faut que je retourne là-haut, disait-il. Ça me manque ! Le temps est superbe, comme ils doivent faire du bon travail. Maintenant que j’ai vu ma famille, que j’ai constaté sa bonne santé, que me faut-il de plus ? Je puis reprendre le train ». Conscient de ses responsabilités de chef, il y apportait tout le meilleur de son être, mais il doutait tellement de lui-même, malgré sa valeur, que parfois on pouvait relever cette phrase dans ses lettres à sa mère : « C’est étonnant, je ne suis pas encore limogé ».

Ses actions d’éclat sont légion. Mais il en parlait peu. Il n’annonçait même pas toujours à sa famille ses nouvelles récompenses. Comme une de ses sœurs le lui reprochait : « Bah ! répondit-il gaiement, à quoi bon en parler, les femmes sont si bavardes ! ». Dans une lettre à son frère, il écrivait : « J’ai été descendu par un Boche avant-hier (7 décembre 1917), mais il en tenait aussi. Nous n’avons eu que le temps de nous barrer avec les mitrailleuses avant que l’artillerie boche ouvrît le feu sur mon coucou. Tordant ! » Un des témoins du drame, le lieutenant Trimier a fait le récit de cette aventure, l’une des huit où le héros fut descendu :

 « C’était le 7 décembre 1917, devant la côte du Poivre. Un de nos avions d’observation venait d’être abattu par un chasseur boche qui rentrait tranquillement chez lui. Nous le regardions partir la rage au cœur. Soudain un avion de réglage français pique sur lui, le prend par derrière et, en quelques coups de mitrailleuse, l’abat dans les lignes allemandes. Au même instant, l’audacieux appareil semble atteint. Il n’a que le temps de virer et de venir atterrir sur la côte du Poivre entre les lignes ennemies et les nôtres. Le terrain était labouré de trous d’obus et sillonné de tranchées. L’appareil fit plusieurs bonds et, finalement, vint capoter dans une tranchée remplie de fils de fer. Je me précipite avec le major et quelques hommes pour dégager les aviateurs. Nous arrivons juste pour voir un pilote jeune, de figure énergique, sortir des débris et venir à nous en boitant. Nous le conduisîmes au poste du commandement tandis que l’artillerie allemande canonnait fermement le coucou abattu. Notre compagnon se présenta au colonel avec chic. Il était couvert de boue et un peu pâle. Tous s’empressaient autour de lui pour se mettre à son service : « Mais non, voyons, refusait-il gentiment, je n’ai besoin de rien. » Il accepta tout de même un verre de cognac : « Oui, dit-il au colonel qui s’inquiétait de son état, après un tel accident on est un peu émotionné, c’est inévitable, mais c’est fini maintenant ».

« Il me parut peu loquace et en tout cas d’une rare modestie. »

Tel était le capitaine Thélis Vachon, as entre les as de l’aviation d’observation, sur lequel on ne peut que répéter l’opinion concise, mais combien éloquente de tous ceux qui le connurent : « Quel chic type ! »

Jacques Mortane

Au lendemain de l’Armistice, le Chanoine Vernet, curé de Saint-Just, écrivait dans son bulletin paroissial les lignes suivantes :

“Je voudrais vous faire partager la lettre que je viens de recevoir de la part d’une de nos paroissiennes, mère d’un officier mort pour la France. Elle renferme une double leçon de foi et de patriotisme, ou plutôt elle montre à quel sommet notre superbe foi catholique peut s’élever, et combien par elle le patriotisme est auréolé au point de faire de nos victimes de la guerre des héros-martyrs, de vrais saints.

Cette lettre est donc d’une mère, sublime en son immolation, la mère d’un capitaine-aviateur dont ce bulletin fait connaître les hauts faits d’armes et la mort héroïque au champ d’honneur ; (qu’elle me pardonne de révéler ces lignes qu’elle m’adressait après avoir prié sur la tombe de son fils)

Le 18 octobre 1918. – « Monsieur le Curé, vous aurez sans doute appris le grand sacrifice que le Bon Dieu m’a demandé. Mais, devant mes inquiétudes maternelles que vous connaissiez, je veux bien vite vous dire le grand bonheur que le Bon Dieu m’a donné au milieu de mon immense douleur par la mort admirablement chrétienne et édifiante de mon cher enfant.

Il a été mortellement blessé le 14 octobre, au matin d’une balle dans le dos, dans un combat contre cinq avions ennemis. Pour sauver son observateur, il a eu l’énergie de ramener son appareil dans nos lignes. Il a demandé à se confesser immédiatement. On l’a emmené à l’ambulance et il y est mort le soir même, entouré par ses camarades, dans d’admirables sentiments de foi chrétienne, offrant sa vie pour moi, pour la France et il a dit : « Maman sera contente, je meurs en bon chrétien » Il a reçu la Croix d’officier de la Légion d’honneur sur son lit de mort… Jamais je ne remercierai assez le Bon Dieu pour l’immense grâce qu’il m’a faite. Vous serez bien bon de vous unir à moi en ces prières de reconnaissance et pour que mon fils bien-aimé jouisse bientôt du bonheur des élus… Je suis fière de l’offrir pour le salut de la France, et mon sacrifice, tout déchirant qu’il soit, m’est bien doux au milieu de toutes les faveurs dont le Bon Dieu l’a environné ». Madame Vachon

NOS HÉROS À L’HONNEUR

Le bulletin de novembre a annoncé la mort au champ d’honneur de Joseph-Thélis Vachon, capitaine-aviateur, chef d’escadrille. Je dois à la gloire de notre héros, et aussi pour l’édification de nos lecteurs, de revenir sur ce vaillant d’entre les plus vaillants, dussé-je blesser la modestie de son honorable famille.

Joseph-Thélis Vachon, ayant obtenu à 17 ans, ses deux bachots, finissait avant 20 ans, son temps d’engagement. Sous-lieutenant au 62ème régiment d’artillerie, lorsqu’éclata la guerre, c’était un jeune homme d’une activité débordante, soit au collège où il était l’éternel vainqueur de la boxe, au football, soit auprès des siens où il était le boute-en-train à la joie délirante, sans rien perdre toutefois aux heures difficiles de son rôle de jeune chef de famille, près de sa mère veuve et de ses frères et sœurs plus jeunes que lui.

Il avait rêvé d’abord de la mer, mais l’examen médical l’obligea à y renoncer, et sa vue, jugée insuffisante, il fut éliminé du nombre des candidats. Ce fut pour lui un gros sacrifice. Il dut en être dédommagé plus tard quand en 1915, il passa de l’artillerie à l’aviation. Là, il gagna rapidement les galons de lieutenant puis ceux de capitaine et se vit même confié, lui si jeune, le commandement d’une escadrille.

Il prêchait d’exemple, et lorsqu’on demandait quelqu’un pour une mission périlleuse, il était toujours le premier à se présenter. Le danger ? Il le connaissait, il s’y mouvait comme dans son élément. Maintes fois, il avait cru ne pas revenir (il avait été descendu huit fois) et pourtant jusque-là, il s’en était toujours tiré…

Sa mort a été digne de sa vie : attaqué au cours d’une reconnaissance par cinq avions ennemis, seul contre tous, il accepte le combat. Dès la première rafale, une balle l’atteint, entre par le dos, traverse le poumon et se loge dans le foie.

Mais sublime, héroïque, malgré l’affreuse blessure, malgré la douleur il continue le combat. Puis, rassemblant ses dernières forces, il franchit la barrière ennemie, et, malgré les trois Boches qui l’encerclaient, adroitement il passa, atterrissant merveilleusement dans nos lignes… Il demanda tout de suite un prêtre, et à quelques mètres de son appareil, ce brave se confessa. Il baisa de lui-même le crucifix que tenait l’aumônier, et s’éteignit peu à peu vers le soir, au milieu de ses camarades laissant une impression profonde de l’au-delà, vers lequel son âme s’était envolée.

Du 19 septembre 1915 au 14 octobre 1918, notre jeune capitaine a eu 800 heures de vol, 35 combats et 10 citations. Je ne formule là que la dernière où le général de division de Mondésir lui décerne la Croix d’Officier de la Légion d’honneur, en ces termes :

« Officier et chef d’unité d’élite possédant les plus belles vertus militaires et morales. Entré dans l’aviation en mars 1915, n’a cessé d’être pour tous un exemple de discipline, de devoir, d’esprit de sacrifice et de bravoure, jointe à une admirable modestie. Mortellement blessé le 14 octobre 1918, alors qu’il tenait tête à cinq avions de chasse ennemis, a eu la suprême énergie de se dégager de leur poursuite et d’atterrir dans nos lignes, sauvant ainsi son observateur ».