FIGURES DE LA COLLÉGIALE
FIGURES DE LA COLLÉGIALE
UN DÉFUNT DE SAINT-JUST À L’ILLUSTRE DESCENDANCE
Par Pierre Pueyo – Illustrations: Collégiale Saint-Just – Mémoire et Patrimoine (sauf spécifications contraires, dûment mentionnées)
Dans le chœur et les chapelles latérales de l’église actuelle, on remarque quelques dalles funéraires, dont certaines proviennent de l’église précédente, qui ne peuvent faire oublier que ce fut autrefois, comme bien des édifices religieux, un lieu de sépulture.L’une d’elles, bien que cachée en partie par les bancs, porte une inscription que l’on peut déchiffrer sans peine :
DOM HIC IACET DNS IOSEPHVS BER THOIS ADVOCATVS QVI OBIIT DIE 26 SEPTEMBRIS 1708 EIVSQ FAMILIE TVMVLVS
soit : «. À Dieu très Bon et très Grand. Ici repose Monsieur Joseph Berthois, avocat, qui mourut le 26e jour de septembre 1708, et [se trouve] le tombeau de sa famille. »
Les empâtements en rouge dans le texte sont actifs. Ils permettent d’avoir le renseignement habituellement obtenu par le biais d’une note de bas de page, apportant ainsi un meilleur confort de lecture. Les ouvrages cités ainsi que leurs auteurs sont compilés en fin de l’article.
L’inscription n’occupe pas la totalité de la surface de la pierre, dont la partie inférieure est dépourvue d’indications. On ne sait donc pas si d’autres personnes ont été ensevelies dans ce tombeau. Peut-on cependant tenter d’en savoir plus sur Joseph Berthois et sur les membres de sa famille en exploitant les données parfois lacunaires ou imprécises des registres paroissiaux ?
Ceux de Saint-Just contiennent, à la date du 27 septembre 1708, l’acte de sépulture de « Mr Joseph Berthois, avocat en parlement, lequel est décédé le vingt-sixième du dt, âgé de quarante-cinq ans ». L’acte mentionne en outre : « auquel enterrement ont assisté Messrs les chanoines, prêtres perpétuels, habitués et clercs, clergeons de la dte église, le dt sr Berthois ayant reçu avec beaucoup de piété et d’édification ces derniers sacrements ». L’inhumation a eu lieu dans l’église et la présence du clergé au grand complet est à la mesure de la condition et de la piété du défunt.
L’indication de l’âge au décès permet de chercher 45 ans plus tôt, soit en 1663, l’acte de baptême de Joseph Berthois. Effectivement, on lit : « J’ay sousné curé de St Just ondoyé l’enfant de Mr Bertois advocat ce 10e mai 1663. Alboud ».
L’acte est sommaire, puisqu’il s’agit d’un ondoiement. L’enfant a certainement survécu, mais on ne trouve pas l’acte de baptême correspondant, à moins que la cérémonie n’ait eu lieu dans une autre paroisse, mais c’est peu probable. Toutefois les indications de nom et de temps concordent avec celles de l’acte de sépulture. On trouve ensuite le baptême de Claudine Berthois, le 11 septembre 1664, fille de César Berthois, avocat en parlement, et de Françoise Guyot, qui avait été préalablement ondoyée. On peut donc supposer qu’il en a été de même pour son frère, mais que la mention de son baptême administré ultérieurement a été omise. Claudine Berthois, quant à elle, est morte le 15 février 1691 chez sa mère, rue de Trion, et enterrée le lendemain, selon son souhait, à Saint-Irénée. Elle avait une sœur jumelle, Hiéronyme, elle aussi préalablement ondoyée, morte le 16 août 1677 à l’âge de 12 ans. Deux autres jumeaux avaient été ondoyés le 25 décembre 1661, mais on ne sait s’ils ont survécu.
Le mariage des parents, César Berthois et Françoise Guyot, a été célébré le 1er novembre 1654 dans l’église Saint-RomainL’église Saint-Romain, située non loin de la primatiale, fut démolie en 1744 en raison de son état de vétusté et le service paroissial transféré dans l’église voisine de Saint-Pierre-le-Vieux, elle-même disparue par suite de la Révolution., dont ils dépendaient tous les deux. Il est précisé que le marié était conseiller du roi et officiait au grenier à sel de Saint-Symphorien-le-Château (actuellement Saint-Symphorien-sur-Coise).
César Berthois lui-même, baptisé le 14 mai 1627 à Saint-Pierre-le-Vieux, est le fils de Pierre Berthois, conseiller à ce même grenier à sel de Saint-Symphorien-le-Château, et de Claudine Billet. Quant à son épouse, Françoise Guyot, née et baptisée à Saint-Pierre-le-Vieux, elle est la fille de François Guyot, greffier des tailles à Ambierle et procureur à la cour de Lyon, la petite-fille de Jean Guyot, marchand drapier à VillerestAmbierle et Villerest sont deux localités de l’actuel arrondissement de Roanne dans le département de la Loire. et l’arrière-petite-fille par sa mère d’un procureur à la cour de Lyon. César Berthois devient conseiller et procureur du roi aux gabelles du Lyonnais, mais on ne trouve pas trace de sa mort à Saint-Just. En revanche, sa veuve, Françoise Guyot, demeurant donc rue de Trion, est enterrée dans l’église le 28 juillet 1692.
Pour en revenir à Joseph Berthois, on dispose de son acte de mariage, établi dans la paroisse Notre-Dame-de-la-PlatièreCette église, située dans la presqu’île, a disparu à la Révolution le 4 mars 1696, où il épouse Henriette Burdin, fille d’un bourgeois de Lyon. De ce mariage est issue Anne Berthois, qui, le 9 avril 1731 à Saint-Paul, épouse François Ampère, marchand, bourgeois de Lyon. Ainsi la trace des Berthois à Saint-Just se perd-elle, mais il sera permis de relever que dans leur descendance figurent trois personnages ayant accédé à la notoriété, pour des raisons différentes et, pour l’un d’entre eux, du fait de circonstances particulièrement dramatiques.
C’est le cas d’abord de Jean Jacques Ampère, né en 1733 dans la paroisse de Saint-Pierre-Saint-SaturninÉglise disparue, dont une partie des bâtiments est incluse dans le musée des Beaux-Arts, fils de François Ampère et d’Anne Berthois, donc petit-fils de Joseph Berthois et d’ Henriette Burdin. Marié en 1771 à Saint-Nizier avec Jeanne Antoinette de Sutières Sarcey, négociant comme son père, il aurait pu mener la vie d’un bon bourgeois lyonnais vivant de ses rentes après s’être retiré des affaires à Poleymieux, si n’était survenue la Révolution dont il fut au départ partisan. Devenu juge de paix à Lyon dans le canton de la Halle aux BlésCelle-ci se trouvait rue Grenette et habitant quai Saint-Antoine, il en vient à présider le tribunal de police correctionnelle et se trouve ainsi mêlé aux événements qui marquent durement la ville de Lyon à partir d’août 1792.
Les tensions deviennent de plus en plus fortes entre Joseph Chalier et ses amis « exagérés » partisans de mesures extrêmes d’une part, les éléments modérés d’autre part, tandis qu’au niveau national s’exacerbe l’opposition entre girondins et montagnards. À la suite de la journée du 29 mai 1793, Chalier est arrêté et c’est Jean Jacques Ampère qui dirige les poursuites contre lui. Chalier est traduit devant le tribunal criminel le 15 juillet. Prévenu « d’avoir provoqué au meurtre, au pillage par ses écrits et ses discoursLouis Trenard et Serge Chassagne : Lyon ville rebelle 1780-1800, in Histoire de Lyon des origines à nos jours, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 2007, p. 641, et Bruno Benoit et Roland Saussac : Lyon, la Révolution, le Consulat et l’Empire, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 2017, pp. 39-42 et 105-108.», il est condamné le 16 et exécuté le jour même, dans des conditions d’ailleurs particulièrement affreuses.
La rupture entre Lyon et la Convention dominée par les montagnards est consommée, c’est bientôt le siège, puis la répression. Jean Jacques Ampère, qui était resté à son poste pendant l’insurrection et le siège, arrêté à son tour dès le 9 octobre, est l’une des premières et plus notables victimes de la répression, tandis que Joseph Chalier est célébré par les vainqueurs comme héros et comme martyr. Jean Jacques Ampère est traduit le 22 novembre devant la commission de justice populaire, condamné, notamment pour avoir permis l’arrestation de Chalier, et guillotiné le même jour en place publique. Dans la lettre qu’il écrit à sa femme avant d’aller au supplice, on relève cette phrase : « Mon cher ange, je désire que ma mort soit le sceau d’une réconciliation générale ; je la pardonne à ceux qui s’en réjouissent, à ceux qui l’ont provoquée, à ceux qui l’ont ordonnéeibid., pp. 645-646 et Antonin Portallier : Tableau général des victimes & martyrs de la Révolution en Lyonnais, Forez et Beaujolais, spécialement sous le régime de la Terreur 1793-1794, Saint-étienne, 1911, p. 5 (consultable ici)ibid., pp. 645-646 et Antonin Portallier : Tableau général des victimes & martyrs de la Révolution en Lyonnais, Forez et Beaujolais, spécialement sous le régime de la Terreur 1793-1794, Saint-étienne, 1911, p. 5.»
Il laissait deux enfants (une première fille était morte en 1792) : un garçon et une deuxième fille. André Marie Ampère, né le 20 janvier 1775 à Saint-Nizier, profondément affecté par la mort tragique de son père, accéda à la renommée dans le domaine scientifique, notamment par ses travaux sur l’électromagnétisme. Il fit partie de l’Académie des sciences et fut professeur à l’École polytechnique et au Collège de France. On rappellera surtout que son nom a été donné à l’unité internationale d’intensité électrique et que la ville de Lyon l’a particulièrement honoré en donnant son nom à une place où se trouve sa statue et à un lycée. Il est mort en 1836 à Marseille.
Son fils, Jean-Jacques Ampère, né à Lyon en 1800, mort en 1864, s’est illustré comme historien, professeur au Collège de France et académicien.
Ainsi donc, l’évocation de Joseph Berthois, si elle ne permet pas de décrire plus avant sa descendance directe, donne l’occasion d’aller et venir dans Lyon au gré d’événements familiaux, mais aussi de parcourir le temps, y compris lors d’événements majeurs, et d’aller à la rencontre de gloires de la science et de la recherche.
Louis Trenard et Serge Chassagne : Lyon ville rebelle 1780-1800, in Histoire de Lyon des origines à nos jours, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 2007, p. 641, et Bruno Benoit et Roland Saussac : Lyon, la Révolution, le Consulat et l’Empire, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 2017, pp. 39-42 et 105-108.
Antonin Portallier : Tableau général des victimes & martyrs de la Révolution en Lyonnais, Forez et Beaujolais, spécialement sous le régime de la Terreur 1793-1794, Saint-étienne, 1911, p. 5 (consultable ici).
La gravure du plan du bâtiment de l'actuel Musée des beaux-Arts (ex Saint-Pierre) et de son quartier entre 1659 et 1685, dessinée par Charvet, gravée par Séon, où l'on peut voir (à la lettre "P") la chapelle Saint-Saturnin (site des archives municipales de Lyon).