À la date du 24 mai 1776, jour de la Pentecôte, on trouve en effet, dans les registres paroissiaux de Saint-Just, l’acte de baptême de Jean Pierre Garcin, né deux jours auparavant, fils du sieur Pierre Garcin, marchand, et de demoiselle Marguerite Blanc, ayant pour parrain le sieur Jean Robert, cousin issu de germain de son père, et pour marraine, du côté maternel, la demoiselle Françoise Blanc.

À partir de là, on peut à la fois remonter et descendre le cours du temps, sans prétendre toutefois à l’exhaustivité d’une généalogie ascendante et descendante et en se limitant aux XVIII^e et XIX^e siècles.

Quelques années auparavant, le 3 juillet 1770, a été célébré à Saint-Just le mariage du sieur Pierre Garcin avec Marguerite Blanc, tous deux domestiques à Lyon. Il est précisé dans l’acte qu’un contrat de mariage a été signé le 23 juin et que le marié a produit une remise du vicaire de Saint-Nizier. L’un des témoins est Jacques Garcin, frère du marié.

L’acte indique en outre que le père du marié, Jean Baptiste Garcin, décédé, était laboureur à Furmeyer, un petit village du Dauphiné dans l’actuel département des Hautes-Alpes aux environs de Veynes.

Si l’on cherche maintenant dans les archives départementales des Hautes-Alpes, on trouve, dans les registres paroissiaux de Furmeyer, l’acte de baptême de Pierre Garcin, le 28 juin 1744, l’acte de mariage, le 15 novembre 1729, de ses parents, « honnêtes parties » Jean Baptiste Garcin, de la paroisse de Veynes, et Françoise Blanc, de Furmeyer, et l’acte de sépulture de celui-ci, le 8 avril 1768 à l’âge de 62 ans. En remontant encore d’une génération, on a l’acte de baptême de ce même Jean Baptiste Garcin le 13 mars 1703, mais cette fois-ci à Veynes, fils de Jean Garcin, ménager, autrement dit laboureur, et de Marie Garcin. Jean Garcin est qualifié de cardeur de laine dans l’acte de baptême de deux autres fils, Antoine Garcin, le 19 février 1699, et Pierre Garcin, le 22 juin 1696. Il est précisé qu’il est du hameau des Paroirs. Le 16 février 1687, est baptisée une fille, Madeline Garcin.

Jean Baptiste Garcin est le père de plusieurs enfants, tous nés à Furmeyer : Jean Garcin (1731), Louise (1734), Catherine (1735), Jacques (1738), les jumeaux Claude et Marie (1741), Pierre (1744), qui semble être le dernier.

Jacques et Pierre Garcin doivent retenir particulièrement l’attention, car ils migrent à Lyon, Jacques d’abord, Pierre, plus jeune de six ans, ensuite. Jacques Garcin entre au service de Louis Rambaud, écuyer, secrétaire du roi, maison et couronne de France, et réside alors dans la paroisse Saint-Pierre-Saint-SaturninÉglise disparue, dont une partie des bâtiments est incluse dans l’actuel musée des Beaux-Arts, mais c’est à Saint-Just qu’il épouse, en 1774, Madeleine Berthaud, venue de Brindas et marchande mercière rue des Farges, et c’est là qu’il devient marchand à son tour.[marchand mercier au 112 en 1797, drapier à son décès]. De ce mariage naissent à Saint-Just plusieurs enfants : Jean Baptiste (1775), Marguerite (1776), Louis (1777), dont le parrain est Louis Rambaud déjà cité, Jean Jacques (1778) [employé à l’hospice des malades à la mort de son père], Jeanne Marie (1781). Son épouse meurt en 1797 et lui en 1806.

Quant à Pierre Garcin, il est d’abord domestique à Lyon dans la paroisse Saint-Nizier, mais, comme son frère, c’est à Saint-Just qu’il épouse le 3 juillet 1770 Marguerite Blanc, née à Écully. Il s’établit comme marchand drapier rue des Farges. Il est le père de plusieurs enfants : Marie (1771), Laurence (1772), Marie Anne (1774), Jean Pierre (1776). Il meurt le 17 septembre 1803 à Lyon, à l’âge de 59 ans, et sa veuve, Marguerite Blanc, le 11 février 1810 à l’âge de 65 ans.

Sa fille aînée, nommée Marie Françoise Garcin dans son acte de mariage, épouse le 15 janvier 1793 Emmanuel Voron, marchand 111, rue des Farges [né en 1771, mort en 1812], dont le père, Noël Voron [marié à Saint-Irénée en 1757 avec Madeleine Reverchon, morte en 1792 à Saint-Just, lui-même mort en 1793], est lui aussi marchand drapier et dont les frères sont l’un, Claude, notaire [rue de la Cage], l’autre, Benoît, négociant [quai de Retz].

On retrouve après elle Jean Pierre Garcin, né le 24 mai 1776, marié à Charbonnières, le 11 juillet 1802, avec Marie Pupier. Celle-ci, née le 31 juillet 1783 à Charbonnières, est la fille de Benoît Pupier, cultivateur, d’une famille de Charbonnières, et d’Anne Farge, d’une famille de Limonest. Elle meurt à Lyon le 13 octobre 1847 à l’âge de 64 ans.

De cette union sont issus douze enfants, tous nés à Lyon, huit garçons et quatre fils, que nous révèlent les actes de l’état civil prenant le relais des actes paroissiaux: Pierre (1803) et Benoit (1804), qui semblent être morts en bas âge, un autre Benoit (1805), Pierre Benoit (1806), Joseph François (1808), Emmanuel (1809), Andrée Antoinette (1810), Claudine (1812), Antoinette (1813), Claude Jean Nicéphore (1815), Jean François (1817), Andrée Marie (1820).

Dans la longue série d’actes concernant Jean-Pierre Garcin et les membres de sa famille, il est mentionné d’abord comme marchand drapier ou négociant, avant qu’il ne se retire des affaires dans les années 1840 pour vivre désormais de ses rentes.

Il est intéressant également d’observer la manière dont les enfants ont été établis. La plupart des fils continuent à pratiquer le négoce, avec ou après leur père à Saint-Just où dans Lyon, mais un autre fils devient notaire à Saint-Étienne et épouse la fille d’un avocat, également maire de cette ville. L’un des frères épouse la fille d’un notaire, les autres des filles de propriétaires rentiers de Lyon ou de la région. Trois des fils épousent des négociants. L’une d’elles, devenue veuve, se remarie avec un magistrat de la cour d’appel de Riom, par ailleurs conseiller général de la Loire. La quatrième épouse un commissaire-priseur.

Jean Pierre Garcin a d’abord résidé rue des Farges. On le trouve ensuite, du milieu des années 1830 à la fin des années 1840, au 33, rue du Juge de Paix (l’actuelle rue Roger Radisson), puis il revient rue des Farges.

À ce propos, on remarque que le 39, rue des Farges, qui est le lieu de son dernier domicile et de son décès, n’est autre que le grand immeuble qui forme l’angle gauche de la rue et de la place située devant l’église Saint-Just, dont il était ainsi le voisin immédiat. Cette maison a fait partie d’un lot de trois acquis en 1791 par Noël Voron, auquel Jean Pierre Garcin était allié par le mariage de sa sœur ainée Marie Françoise, au moment ou les biens du chapitre et de la cure de Saint-Just étaient mis en vente comme biens nationaux cependant qu’en 1794 les fils Voron achetaient maison, cour et jardin de la même rue des Farges, ainsi que le terrain de l’ancien cimetière paroissial. Pierre Garcin lui-même s’est, en 1791, porté acquéreur de bâtiments et de terres à Écully. On peut le voir en outre cité, dans les registres des délibérations municipales de Lyon, en 1798-1799, “parmi les citoyens qui ouvriront l’assemblée des négociants, banquiers, marchands, fabricants et manufacturiers” et “sur la liste des membres du jury d’accusation et de jugement”.

Les registres des délibérations du conseil municipal font étatSéance du 25 janvier 1828, AML 1217 WP 47, pp. 88-94. de sa participation avec d’autres propriétaires du quartier à un projet de marché couvert pour la vente du bétail de la terrasse inférieure de la place des Minimes,mais, malgré l’intérêt montré par les autorités, il semble bien que le projet n’est pas abouti. Il est plus tard signalé comme administrateur de la Providence Caille.

Il faudrait évidemment recourir à d’autres documents pour compléter cette étude. Les renseignements recueillis sont cependant suffisants pour éclairer, à travers cet exemple, les processus de migration au départ d’une montagne surpeuplée vers la grande ville, d’élargissement et d’élévation du réseau de relations, d’ascension sociale par le jeu de l’esprit d’entreprise et du sens des affaires, de recherche et d’acquisition de la respectabilité et de la notoriété par le biais des alliances matrimoniales, d’intégration dans la vie sociale.